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se recrutent parmi les mêmes catégories de la société, les fidèles de M. Conway organisent périodiquement entre eux des soirées de conversation et de musique, des parties de campagne, des promenades sur la Tamise, etc. Ainsi la congrégation devient un centre de ralliement, non-seulement pour les manifestations religieuses, mais encore pour les. relations sociales de ses membres. Généralement ces fêtes sont annoncées au prône, et les cartes d’admission se vendent dans la sacristie.

La congrégation de Saint-Paul’s road, où M. Moncure Conway célèbre l’office du soir, est installée, non loin de la Free Christian church, dans une petite chapelle de fer qui, par la simplicité de son architecture, m’a rappelé les églises en bois de la péninsule Scandinave. Cette congrégation est une ancienne colonie de free christians qui avaient émigré de Clarence-Road à la suite d’un désaccord sur le choix du ministre. Depuis lors M. Conway, qu’ils appelèrent à la direction de leur nouveau temple, est si bien parvenu à les pénétrer graduellement de ses propres vues, qu’aujourd’hui ils pratiquent uniquement le culte de South-Place chapel, et qu’ils ont même renoncé à leur dénomination de « chrétiens libres. » Il y a là un exemple frappant des facilités qu’offre le protestantisme pour passer, par une transition graduelle et presque insensible, à des formes de culte plus en harmonie avec le développement continu de la raison individuelle. L’église romaine a des limites nettement circonscrites, et l’on n’en sort qu’au prix d’un brusque et souvent pénible déchirement, pour atteindre du coup aux dernières limites de l’incrédulité ou tout au moins de l’indifférence religieuse ; mais hors du catholicisme les églises d’aujourd’hui, malgré les bornes dogmatiques où elles essaient parfois d’enfermer la variation de leurs doctrines, ne sont plus que des points de repère destinés à marquer les étapes de la pensée religieuse dans son évolution vers un idéal sans cesse plus large et plus libre. De là pour chacun la possibilité de s’arrêter aux points précis, de cette évolution qui correspondent à son propre degré de culture intellectuelle et morale.

J’ai assisté à deux offices dans la chapelle de Saint-Paul’s road. La cérémonie y est exactement conduite de la même façon qu’à l’autre chapelle de M. Conway, sauf l’absence d’orgue et partant la suppression de l’antemne. Le chœur m’y a paru moins remarquable, mais en revanche la congrégation entière entonnait à haute voix les versets de l’hymne. Chaque fois je me trouvais devant une assistance de deux cents à deux cent cinquante personnes, qui, d’après leur mise, me parurent recrutées dans des rangs moins élevés, quoique appartenant encore à la classe moyenne. En revanche, elles me semblèrent participer à la cérémonie avec plus d’intérêt et