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rement les armes, ils subiront les conséquences d’une lutte qui ne les intéresse pas, qui n’est plus qu’une affaire d’ambition personnelle pour don Carlos, et dont l’issue ne peut plus être douteuse. C’est là aujourd’hui en effet toute la situation en Espagne. La cause carliste est à bout de ressources, et malgré les fanfaronnades des bulletins que les journaux légitimistes français reproduisent avec complaisance, le prétendant semble réduit à douter de quelques-uns de ses principaux lieutenans, qu’il aurait même, dit-on, emprisonnés. Le gouvernement de Madrid au contraire n’a fait depuis quelques mois que s’affermir en reconstituant ses forces, en étendant ses moyens d’action. Il ne s’est point hâté, il ne s’est point mépris sur les difficultés de toute sorte qu’il avait à vaincre, et aujourd’hui encore il paraît se défendre de toute illusion, puisque, pour en finir, il sent la nécessité d’augmenter l’armée, de faire une nouvelle levée de 100,000 hommes. C’est assurément beaucoup pour l’Espagne, mais ce sacrifice momentané ne semblera pas trop lourd, si, par ce déploiement de forces, on peut arriver à une paix prochaine qui sera tout à la fois une victoire militaire et une attestation de l’ascendant moral de la monarchie constitutionnelle restaurée.

C’est donc un dernier effort à faire pour terminer cette guerre civile aussi désastreuse pour les provinces basques elles-mêmes que pour la Péninsule tout entière. Les généraux espagnols ont repris l’avantage, ils n’ont qu’à poursuivre leur victoire, à montrer de l’activité dans les opérations qu’ils ont à mener jusqu’au bout. Ils se sentent soutenus par un gouvernement régulier, par un chef de ministère qui n’a cessé de montrer la plus prévoyante habileté dans toutes ces affaires de la restauration espagnole. Par toute sa politique, par son activité vigilante au milieu des difficultés, par sa modération entre les partis, M. Canovas del Castillo s’est révélé comme le vrai ministre de la monarchie constitutionnelle, secondant les chefs militaires, contenant les impatiences de réaction, sauvegardant les principes de tolérance religieuse, et préparant tous les élémens d’une réorganisation politique du pays. C’est la fortune de l’Espagne que la prochaine défaite, des carlistes ne puisse être désormais que le signal du rétablissement définitif des institutions libérales avec un roi dont la jeunesse intelligente semble un gage d’avenir.


CH. DE MAZADE.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.