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vaincue en Catalogne ; elle est du moins sérieusement atteinte, elle ne peut plus être qu’une guerre de bandes avec laquelle on en finira par une poursuite un peu active, et pendant ce temps une partie des forces employées de ce côté pourra être envoyée vers le nord pour concourir aux opérations du général Quesada. Serrée de toutes parts, en Aragon et en Catalogne, cernée par l’Alava et la Biscaye, l’insurrection carliste semble désormais devoir être rejetée avant l’hiver dans son dernier asile des montagnes de la Navarre.

Toujours est-il que cette guerre civile espagnole entre visiblement aujourd’hui dans une phase nouvelle, une phase décisive. Plus que jamais on peut dire que c’est simplement une affaire de temps, peut-être de quelques mois. Que l’insurrection résiste encore, c’est possible ; elle ne peut plus qu’aggraver la situation du pays et exposer ces malheureuses provinces à toutes les conséquences de la guerre, sans aucune chance de succès. De quoi peut se prévaloir ce prétendant qui ne fait qu’ensanglanter et ravager une partie de l’Espagne depuis trois ans ? La légitimité dynastique, elle ne lui appartient pas. L’intérêt religieux, il ne le représente pas ; sa cause n’est même pas avouée par le pape, qui au contraire a reconnu le roi Alphonse. Si don Carlos compte sur la victoire pour reconquérir ce qu’il appelle son royaume, il doit y renoncer. Ce qu’il n’a pas pu faire devant un pays en dissolution, devant une anarchie impuissante, il ne le fera sûrement pas maintenant qu’il a devant lui un gouvernement organisé, accepté par la nation, reconnu par l’Europe, représentant pour l’Espagne les idées conservatrices et libérales. En revanche, il y a un résultat auquel son obstination peut conduire. Jusqu’ici le gouvernement de Madrid s’est montré très réservé dans son langage, il n’a nullement témoigné l’intention d’abolir les privilèges traditionnels d’autonomie des provinces insurgées ; il a plutôt promis de respecter ces droits si on se soumettait. Si on lui répond par la guerre jusqu’au bout, les provinces basques sont fatalement condamnées à toutes les suites d’une occupation de vive force ; elles perdront des droits que la reine Isabelle avait respectés une première fois après la guerre de sept ans. Le gouvernement de Madrid ne peut pas être moralement obligé à respecter des privilèges dont on se sert contre lui.

De toute façon, le prétendant carliste n’est donc plus qu’un ambitieux fanatique sacrifiant à un intérêt personnel, sans espoir de succès, et le sang qu’il peut faire couler encore, et la prospérité des provinces qu’il entraîne à sa suite, dont il épuise les ressources et exploite le dévoûment. Le prétendant a pu tromper les Basques tant qu’il y avait à Madrid un roi qu’on pouvait appeler du nom d’étranger ou une république qui ne se manifestait que par une violente anarchie. Cette confusion n’est plus possible, et si les Basques ne déposent pas volontai-