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pas à épurer les administrations. Dans le directoire du département, dans celui du district, auquel un décret de la convention avait donné des attributions étendues, les membres les plus sages se virent congédiés. Ils étaient remplacés non par des ouvriers, comme on serait tenté de le croire, mais par des hommes des classes bourgeoises, comme leurs prédécesseurs, seulement plus dociles ou signalés par la violence de leurs opinions. Le suffrage universel, mal inspiré cette fois, avait nommé maire un certain Gachez, maître d’école de conduite équivoque et de réputation douteuse. Ce n’était pas tout à fait la faute des électeurs s’ils n’avaient pas mieux choisi : en ces temps troublés, personne n’acceptait volontiers une fonction si difficile. Gâchez était mal vu sans doute des autres membres de la municipalité. Le délégué révoqua ceux qui déplaisaient au maire et au comité révolutionnaire.

Le terrain ainsi préparé, Rousselin décréta qu’un emprunt forcé serait perçu sur les riches à proportion de leur fortune et du degré de malveillance que chacun avait montré à l’égard de la révolution. De plus on confisquait chez les citoyens l’argenterie armoriée, sous prétexte que la convention avait proscrit l’usage des signes de féodalité. Que devint le produit de ces impôts extraordinaires ? On ne le sut trop. Rousselin signait des mandats, autorisait des dépenses secrètes ; une forte part fut attribuée, il est vrai, à la ville et au département pour assurer l’approvisionnement en farines et secourir les ouvriers, car l’année avait été mauvaise, les cultivateurs ne venaient guère sur les marchés et le pain était cher. Toutefois ces actes iniques indignaient la majorité de la population. Les citoyens continuaient de se réunir par section le décadi dans chaque quartier de la ville, ils trouvaient là une tribune, l’occasion de faire entendre leurs plaintes, à la condition, bien entendu, d’en avoir le courage. Ce fut là que s’organisa la résistance.

Depuis qu’un décret de la convention avait attribué au district la direction et la surveillance des mesures révolutionnaires, le procureur-syndic de cette administration, que l’on désignait alors sous le nom d’agent national, était devenu le principal personnage de la ville. François Loyez, qui exerçait cette fonction, avait contrecarré les actes de Rousselin autant qu’il l’avait pu. Pendant un voyage à Paris que fit celui-ci au mois de décembre 1793, Loyez encouragea les adversaires de Rousselin j aussi dès son retour, voyant que la population lui était hostile, le délégué révoqua le procureur-syndic. Là-dessus, les sections manifestèrent leur mécontentement, se prononçant même avec une énergie d’autant plus louable que ceux qui parlaient ainsi savaient, à n’en pas douter, qu’ils risquaient leur tête dans une lutte contre le commissaire