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obtenir ce nombre, de longs jours se passèrent en vain. La presse soutenait les défenseurs de la loi et blâmait énergiquement les autres. Enfin, sous l’impulsion d’une puissance étrangère, dont nous avons connu les démarches, cette minorité siégea, fit des lois, vota deux budgets en quatre heures, approuva la convention gréco-prussienne relative aux fouilles d’Olympie, convention dont la Société archéologique avait signalé les périls et que l’opinion publique désapprouvait.

Cette usurpation de quelques députés élus sous une pression coupable, et qui en tout cas créait une oligarchie et anéantissait la constitution, souleva l’indignation de la Grèce entière. Les consultations des juristes, les protestations des députés, les adresses au roi, des écrits sans nombre annonçant dans la presse les derniers malheurs, sortirent de toutes les parties de la Grèce, les uns froids et calmes, les autres menaçans. Personne toutefois ne descendit dans la rue : l’insurrection était imminente, un seul coup de fusil l’eût ! fait certainement éclater ; mais l’exemple du peuple français, dans des circonstances à la vérité moins tragiques, étranges toutefois, conduisant par la raison et le calme ses propres affaires, et forçant par son attitude une assemblée monarchiste à voter la république, paraît avoir soutenu et encouragé le peuple grec dans la plus redoutable crise qu’il ait eu jusqu’à ce jour à traverser. Le roi céda. Le ministère Bulgaris fut congédié, et la chambre fut dissoute. One réunion d’hommes honorables composa le ministère nouveau, qui depuis son avènement s’applique à guérir les maux que ses prédécesseurs avaient faits. Une chambre nouvelle va venir ; nous ne pouvons prévoir ce qu’elle apportera.

Du moins les événemens de ces dernières années avaient eu un résultat heureux. Depuis que la Grèce était régie par une charte, les élections n’amenaient guère au pouvoir que des partis qui s’y succédaient indéfiniment les uns aux autres sans grand profit pour la nation. Les chefs de ces partis paraissaient tour à tour au ministère et s’y trouvaient dans l’impossibilité de faire autre chose que de satisfaire les exigences personnelles de leurs commettans. On voyait à l’arrivée de chaque ministère disparaître, non-seulement les préfets du ministère précédent, mais toute la série des employés jusqu’au garde champêtre ; il en résultait deux maux à la fois, la transformation en agens politiques de fonctionnaires naturellement étrangers à la politique, et l’impossibilité de créer des traditions administratives et de continuer sous un ministère les œuvres utiles entreprises par ses prédécesseurs. Au fond, les doctrines politiques de ces gouvernemens étaient les mêmes ou à peu près ; il ne s’agissait là que de questions de personnes, questions