Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des représentations en province, et après s’être produit avec tous ses avantages dans la cité renommée de Cavaillon, il s’est transporté à Marseille ; il est vrai qu’à Marseille il n’a pas eu la chance du célèbre héros qui pouvait librement fonctionner « avec la permission de M. le maire. » Il a rencontré l’état de siège, qui lui a coupé la parole, et c’est dommage ; mais n’importe, on n’est pas privé des discours de M. Naquet, qui a ses programmes dans sa poche et qui, chemin faisant, promulgue sa république sans qu’on la lui demande. M. Naquet éprouve le besoin de renouer les traditions de nos « pères de 1793. » Il lui faut une assemblée unique, « élue pour un temps très court, » et tenant sous sa férule le pouvoir exécutif, la sanction directe du peuple pour les lois constitutionnelles, la décentralisation universelle, c’est-à-dire la commune de Paris un peu partout, la liberté absolue de réunion et d’association, la séparation de l’église et de l’état, le divorce, l’égalité de la femme et de l’homme, le rachat de la banque et des chemins de fer, etc. Sans cela et quelques autres choses, la république n’est qu’un mot, selon M. Naquet ; avec cela, il est vrai, la république s’appellerait bientôt l’empire. M. Naquet ne s’arrête pas pour si peu, il a pour l’encourager l’approbation solennelle de M. Madier de Montjau, qui regrette bien de son côté de n’avoir pu se rendre à Marseille.

Il y a des hommes qui font de la politique avec ces vieilleries banales et toujours périlleuses. Que faire ? La république a M. Naquet, la monarchie a M. Du Temple, qui, lui aussi, écrit des lettres contre la constitution et ceux qui l’ont votée. Est-ce une raison pour que les hommes sensés, éclairés, sincèrement touchés des épreuves de la France, s’arrêtent devant ces éructations de tous les radicalismes ? M. L. de Lavergne l’a dit justement en définissant la seule république possible : qu’on a dissipé les fantômes, » qu’on cesse de fomenter les divisions, qu’on rapproche au contraire les bonnes volontés, les efforts de toutes les opinions modérées, fût-ce par des concessions mutuelles ! C’est à coup sûr la meilleure manière d’inspirer de la confiance au pays, de préparer ces élections que le gouvernement a, dit-on, l’idée de proposer pour le 8 février 1876, de travailler enfin à cette régénération nationale qui reste bien au-dessus de toutes les querelles de parti.

Pour les nations qui se respectent dans le malheur comme dans le bonheur, c’est une consolation ou une juste fierté de s’attacher à leurs cultes et à leurs souvenirs, de relever leurs statues brisées ou d’en élever de nouvelles à ceux qui les ont honorées. En ce moment même, la gracieuse Florence célèbre, au milieu de toutes les pompes, le centenaire de Michel-Ange. Après trois siècles, elle fait de l’art grandiose de l’auteur de Moïse, du Jugement dernier, de la chapelle des Médicis, la décoration de l’Italie nouvelle. Il y a quelques jours à peine, la vieille et paisible ville française de Saint-Malo se remplissait d’un bruit inaccoutumé ; elle inaugurait une statue de Chateaubriand. Le centenaire de