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les inondations de la garonne.

nouvelle édition du désastre de Saint-Cyprien, avec des proportions moindres, il est vrai, mais uniquement parce que le cadre était plus restreint. C’était toujours la Garonne continuant à grossir par l’arrivée de nouveaux affluens, principalement sur la rive gauche, où venaient se déverser toutes les eaux qui depuis trois jours ne cessaient de tomber sur le plateau de Lannemezan et sur les contreforts des Hautes-Pyrénées ; c’étaient des populations lisant sans les comprendre les dépêches qui leur annonçaient une crue extraordinaire, et dédaignant les avis réitérés des autorités, persuadées qu’elles avaient vu en 1855 le maximum d’effet que pouvaient produire les inondations de la Garonne, puis tout à coup les flots se précipitant avec une rapidité foudroyante et broyant tout ce qu’ils rencontraient sur leur passage. Tel fut le sort de tous les lieux situés entre Toulouse et Agen. Dans le département de la Haute-Garonne, trois villages, Fenouillet, Oudes et Gagnac, placés en aval de Toulouse, furent écrasés et anéantis comme l’avaient été en amont Auterive et Pinsaguel. L’église, la mairie et trois ou quatre habitations plus solidement bâties que les autres, étaient d’ordinaire les seules constructions qui restassent debout. Plusieurs centaines de familles se voyaient dans le dénûment le plus absolu, sans pouvoir, comme à Toulouse, adoucir leur situation par les ressources immédiates qu’offre une grande cité. Quelques-uns de ces infortunés, ne voulant pas survivre à leur ruine, se donnèrent la mort ; les autres se dispersaient la nuit dans les granges de la campagne, et le jour, venaient aider les soldats au déblaiement de leurs maisons, tâchant de retirer quelques maigres épaves de leur mobilier. De la Haute-Garonne le fléau passa dans le Tarn-et-Garonne, et dévasta d’une manière affreuse deux arrondissemens, celui de Castelsarrasin et celui de Moissac. À Castelsarrasin, le faubourg Garonne fut entièrement détruit, sauf cinq ou six maisons ; il en fut de même de plusieurs hameaux des environs. La ville n’échappa au fléau que parce que le sol sur lequel elle est bâtie s’élève un peu au-dessus de la plaine. L’inondation s’avança dans les terres jusqu’à 6 kilomètres du lit du fleuve, sans rien perdre de son intensité, car le village de Golfech, qui se croyait par son éloignement à l’abri de toute atteinte, et qui depuis des siècles peut-être n’avait jamais vu les eaux de la Garonne arriver jusqu’à lui, fut presque entièrement détruit. Là, comme partout ailleurs, les avis ne manquèrent pas. Dès les premières dépêches annonçant l’imminence du danger, M. Desprès, préfet de Montauban, était parti lui-même pour prévenir les lieux menacés et organiser le sauvetage. Peine perdue, personne ne voulut croire à un péril jugé impossible, et une cinquantaine de personnes payèrent de leur vie cette imprudence. Le même fait se produisit à Moissac : un faubourg situé près de l’embouchure