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coup la question tant controversée : elle prouvait qu’il existe des agglomérations des matières cosmiques à l’état de gaz lumineux. En déterminant la position des trois raies par des mesures prises au micromètre, M. Huggins trouva que la plus brillante coïncidait avec la raie la plus intense de l’azote ; mais comment expliquer l’absence de toutes les autres lignes caractéristiques de ce gaz ? Faut-il admettre avec M. Huggins que nous sommes ici en présence d’une forme de matière « plus élémentaire que l’azote ? » La plus faible des trois raies coïncidait avec la raie verte de l’hydrogène ; quant à la raie moyenne, on ne put l’identifier avec aucune des raies caractéristiques des trente élémens terrestres pris pour comparaison. Derrière ces trois lignes brillantes s’apercevait encore une faible trace d’un spectre continu sans largeur apparente, qui révélait l’existence d’un très petit noyau lumineux au centre de la nébulosité. Ce noyau doit être formé par une matière opaque à l’état de brouillard composé de particules liquides ou solides.

M. Huggins a successivement examiné plus de soixante nébuleuses ou amas stellaires ; sur ce nombre, un tiers environ lui a donné des spectres gazeux. Les quarante autres nébuleuses ont donné un spectre continu. Afin de vérifier jusqu’à quel point cette classification établie par le prisme répond à celle qui résulte de l’examen télescopique, le fils du comte de Rosse a revu toutes les observations de nébuleuses de la liste de M. Huggins qui avaient été faites avec le grand télescope de son père. La plupart des nébuleuses à spectre continu avaient été effectivement résolues en étoiles ; quant aux autres, pas une n’avait été vue résolue d’une manière indubitable par lord Rosse.

La nébuleuse du Dragon appartient à la catégorie de celles qui se présentent dans les lunettes sous la forme de petits disques ronds ou légèrement ovales, et auxquelles W. Herschel a donné le nom de nébuleuses planétaires. Plusieurs autres nébuleuses planétaires observées dans diverses régions du ciel et offrant, comme celle-ci, une teinte bleu-verdâtre, fournissent des spectres composés des mêmes trois raies brillantes, avec traces d’un spectre continu linéaire, provenant d’un noyau central. Quelques-unes ne montrent que deux ou même qu’une seule des trois raies : telles sont la nébuleuse annulaire de la Lyre et la belle nébuleuse Dumb-Bell (battant de cloche), qui s’étend irrégulièrement dans la constellation du Petit Renard. Deux des nébuleuses à spectre gazeux se présentent sous la forme de sphères entourées d’un anneau comme Saturne ; l’une montre l’anneau vu par la tranche, l’autre le montre à plat, séparé de la sphère centrale par un intervalle annulaire obscur.

La grande nébuleuse découverte par Huyghens, il y a plus de deux siècles, près de la garde de l’épée d’Orion, a été également