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avant qu’on arrive à Pittsburg, attachées aux flancs de la vallée qui mène à la « ville fumeuse. » On les salue en descendant au pas accéléré de la locomotive. A droite, à gauche, partout, on voit les entrées des puits, des galeries, les amas de charbon autour des mines, les longues files de wagons chargés. Tout autour de Pittsburg, dans la vallée de la rivière Alleghany, dans celle de la Monongahela, il en est de même, et les seules mines de ce district, au nombre d’une centaine, en 1872 ont fourni 10 millions de tonnes de houille, c’est-à-dire près des deux tiers de ce qu’ont donné toutes les houillères françaises ensemble, dont quelques-unes, celles d’Anzin, de la Grand’Gombe, de Saint-Étienne et Rive-de-Gier, sont cependant si productives.

Pittsburg naissait à peine, il y a un siècle. En 1754, ce lieu s’appelait Fort-Duquesne. Il était sur la frontière qui séparait les possessions coloniales françaises des possessions anglaises, frontière lointaine, sans limite nettement déterminée, et plus d’une fois baignée de sang ; les rencontres sur ces points étaient presque quotidiennes. Fort-Duquesne fut bientôt perdu sans retour par la France et devint Fort-Pitt (1758). Tels furent les commencemens de Pittsburg, qui n’obtint qu’en 1816 sa charte municipale, voyez maintenant ce qu’en a fait la houille. Cette ville renferme aujourd’hui 200,000 habitans, elle est entourée d’usines, d’ateliers populeux, animés, et c’est à la fois le Manchester, le Birmingham et le Sheffield de l’Amérique. Hauts-fourneaux, forges, aciéries, construction de machines à vapeur, usines de toute sorte à torturer, à manufacturer le fer, fonderies de cuivre, de laiton, raffineries de pétrole, verreries, cristalleries, scieries de bois, filatures de coton, fabriques de machines agricoles, tout est là. Une fumée noire, épaisse, couvre la ville. Du haut des cheminées des usines se dégagent la nuit de longues flammes, et jamais le travail ne cesse. La suie vole éternellement dans l’air, couvre toutes les maisons, tous les édifices d’une épaisse patine, qui leur donne, comme à Londres, un air de deuil, et s’attache partout, au linge, au visage, aux mains. Les habitudes locales se ressentent du dur labeur quotidien. Nulle part la population ouvrière, qui en Amérique ne se pique pas de façons distinguées, n’est aussi rude et aussi grossière.

Les mines de houille, bitumineuse n’existent pas seulement aux environs de Pittsburg ; le bassin pensylvanien s’étend au loin dans le nord-ouest de l’état. Dans le comté de Mercer, à Pardoe, nous avons visité en 1874 une houillère qui nous a rappelé de tout point celles que nous explorions quelques années auparavant, en 1867, dans la vallée de la Monongahela. On entre dans la mine par un large tunnel que parcourent des wagons traînés par des chevaux, et roulant sur un chemin de fer établi sur le seuil de la galerie. Les