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Cette ville est située tout au fond d’Oe-Fiord, à plus de 20 lieues de la mer. Elle se compose, comme Iza-Fiord, d’un assez grand nombre de maisons danoises dont les habitans repartent presque tous pour le Danemark au commencement de l’hiver. Dans un jardin bien abrité, on peut voir la merveille la plus rare et la plus curieuse de l’Islande, à savoir trois sorbiers dont l’un a été planté en 1790. Je n’ai pas vu d’autres arbres sur le pourtour de l’île, si ce n’est à Reikiavik, qui en possède deux de la même espèce.

Les environs de la ville sont très fertiles. Comme dans les autres baies, la vue n’est plus brusquement arrêtée par une chaîne de montagnes et peut librement parcourir un assez vaste horizon. De longues ondulations de terrain coupées par des collines en pente douce bordent le rivage, le long duquel s’étendent de vertes prairies sillonnées par de nombreux cours d’eau. Les montagnes qui s’élèvent au second plan ne présentent plus les mêmes caractères de désagrégation et d’usure que celles de la côte ouest. Elles sont à la fois plus accidentées et moins disloquées. Il semble qu’il y ait à Oe-Fiord plus de vie dans la nature que dans les autres localités, et l’on dirait que les convulsions volcaniques qui ont bouleversé l’île s’y sont produites avec moins d’intensité qu’ailleurs. Notre navire était mouillé tout contre des talus gazonnés couverts de fleurs des champs, parmi lesquelles dominaient les pensées sauvages, et nous reconnûmes, non sans étonnement, que les nombreux ruisseaux qui descendaient le long de cette pente verdoyante rendaient complètement douces les eaux de la baie.

C’est principalement à Akurere que les habitans du nord de l’île viennent s’approvisionner pour l’hiver. On les voit arriver en longues caravanes, leurs petits chevaux pliant sous le faix des ballots de fourrure, de laine écrue, de bas et de gants tricotés, dont ils vont faire l’échange avec les marchands danois. Les femmes sont assises sur de grandes selles à dossier, véritables fauteuils rembourrés des plus confortables, dont j’ai vu s’accommoder parfaitement, en dépit des lazzis dont ils étaient l’objet, certains cavaliers inexpérimentés du sexe fort.

Nous devions visiter après Akurere Vapua-Fiord, le premier des fiords que l’on rencontre sur la côte est ; mais, à peine arrivés à la hauteur du cap Langaness, qui limite à l’est la côte nord, comme le Cap-Nord la limite à l’ouest, une longue série de brumes nous obligea à attendre au large une éclaircie. On ne peut songer en effet à courir sur la terre au milieu de ces brouillards humides et pénétrans, dont l’épaisseur est telle qu’on n’y voit souvent pas de l’avant à l’arrière du navire. La côte orientale est redoutée des pêcheurs pour bien des raisons : les coups de vent y sont plus fréquens que dans l’ouest ou dans le nord, les courans très violens et