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Cette et dans quelques autres villes de l’Hérault. Évidemment il a voulu aller opposer la république modérée à la république de démagogie qui promène aujourd’hui son drapeau. M. Jules Simon est un orateur habile, sachant raconter avec une séduisante familiarité les péripéties de la politique, et trop nourri de toutes les cultures de l’esprit pour se plaire à certaines déclamations ; Ce n’est pas lui qui offrirait à la France une république d’agitation et de convulsion ; il connaît trop les nécessités de son temps, les malheurs, les dispositions d’opinion et les intérêts de son pays ; il pousse même la galanterie jusqu’à nous promettre une république « aimable. » Nous lui passons l’amabilité, pourvu que la république soit raisonnable. M. Jules Simon n’est point de ceux qui désavouent leur participation à l’œuvre constitutionnelle de 1875 ; il confirme au contraire cette participation en expliquant, en défendant la constitution, — non cependant sans s’adoucir un peu dès qu’il s’agit des radicaux ; on dirait qu’il sent le besoin de s’excuser. « Je n’attaque jamais un républicain, dit-il ;… ensuite, quels que soient mes dissentimens avec les personnes dont je parle, puis-je oublier leur talent, leurs services et l’honneur que fait par exemple M. Louis Blanc au parti que nous servons ?.. » Si M. Jules Simon n’attaque jamais un républicain, de quel droit peut-il s’étonner que M. Buffet ait des ménagemens pour la droite ? De plus M. Louis Blanc peut être un homme de talent ; mais en quoi et à quel moment a-t-il servi la république ? Est-ce au 15 mai 1848 ? est-ce aujourd’hui, lorsqu’il s’efforce de ruiner ce qui vient d’être établi si péniblement ? De quelle république M. Louis Blanc est-il l’honneur ? Il est l’illustration d’une secte et rien de plus.

L’erreur ou le malheur des républicains est de diminuer ainsi quelquefois par un mot l’effet de tout un système de conduite. Ils ont trop souvent l’air de diplomates disant avec un geste d’intelligence à ceux qui les écoutent : Prenez patience, ce n’est que le commencement. Sachez vous contenter de ce qui est possible aujourd’hui ; le reste, la vraie république des républicains viendra, attendons les élections. M. Louis Blanc et M. Naquet sont des maladroits qui servent nos adversaires. — Si on pensait ainsi, on pourrait se tromper, on jouerait dans tous les cas un jeu dangereux, et ce serait une étrange manière d’inspirer la confiance que d’avoir donné au pays une apparence de paix pour lui promettre après les élections des agitations nouvelles, des révolutions dont toutes les conséquences ne sont peut-être pas prévues par ceux qui se livrent à ces calculs. Et puis à quel titre appellerait-on des factieux ceux qui d’un autre côté, se faisant une arme de la révision, travailleraient à la réalisation de leurs espérances monarchiques ou impérialistes ? On ne voit pas qu’on semble ainsi de toutes parts se placer dans des conditions fausses, dont le seul effet est de dénaturer la situation, la politique de la France. Que les républicains sensés, qui ne sont pas des radicaux, acceptent donc sans façon la rupture qui leur est si-