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financiers, magistrats ou administrateurs dont la présence à la tête de la société nouvelle était comme la garantie du succès, et en effet pour une entreprise de ce genres où se trouvent engagés des intérêts matériels considérables, il ne suffit pas chez ceux qui dirigent de bon vouloir et d’excellentes intentions, il faut encore une expérience approfondie des affaires. La première difficulté était de créer de toutes pièces une administration complète capable de répondre sur-le-champ avec l’argent recueilli à des besoins aussi multiples que pressans. A force d’activité, on y réussit ; au bout de quelques jours, la société fonctionnait. Elle avait établi son siège rue de Provence, dans une maison qui fut bientôt connue de tout Paris ; c’est là que se rencontraient à la même porte, sur le même palier, le souscripteur apportant son offrande et l’indigent sortant consolé. Les plus hautes dames de la ville avaient tenu à honneur de se faire inscrire parmi les dames patronnesses ; elles étaient spécialement chargées des visites à domicile : dans les greniers et les mansardes, au fond des quartiers perdus, elles allaient chercher la misère, porter des paroles d’espoir et de consolation, puis, tous les mardis, réunies en comité, après lecture d’un rapport sur chaque famille visitée, elles décidaient de l’importance et de l’opportunité des secours. Au travailleur on procurait de l’ouvrage, à la femme une occupation, à l’enfant malade des médicamens ; à tous un peu d’argent, des vêtemens, des bons de nourriture. En moins de deux ans, plus de 40,000 personnes furent ainsi secourues. Jusqu’à ce qu’ils fussent placés, les émigrans sans famille étaient logés et nourris aux frais de la société ; ceux qui pouvaient justifier d’un travail assuré en province recevaient des billets à prix réduits pour les différentes lignes de chemins de fer. Chaque semaine avaient lieu la distribution des effets d’habillement ou de lingerie, et les consultations du médecin. Une somme importante était employée à payer les frais d’éducation d’un certain nombre de jeunes enfans, une autre encore à soulager directement les misères secrètes, les plus douloureuses à coup sût et les plus profondes. Enfin de fortes subventions étaient allouées aux comités locaux établis en province, et par l’intermédiaire de ces comités, l’action bienfaisante de la société s’étendait jusque sur les Alsaciens-Lorrains qui, bien que demeurés en pays annexés, avaient droit encore à sa protection.

Cependant le gouvernement ne restait pas inactif, et s’efforçait de son côté, au prix de réels sacrifices, de faire rentrer dans la condition commune les malheureuses victimes des derniers événemens. Tous les fonctionnaires publics devaient être successivement replacés : c’était justice ; quant aux autres, dans sa séance du 15 septembre 1871, l’assemblée nationale avait décidé d’un vote unanime