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dans les régions officielles qu’elle durera vingt-cinq ans, et on ne prévoit pas qu’aucun événement puisse modifier d’une manière sensible la situation. Malgré la modération bien connue de ses sentimens et de son caractère, le prince impérial a épousé avec chaleur la politique religieuse du chancelier, et le catholicisme ne pourrait pas attendre de l’esprit ferme, décidé, un peu absolu, de la fille du prince Albert les ménagemens presque sympathiques qu’il a toujours trouvés dans l’impératrice Augusta. Aujourd’hui l’église catholique est aux prises avec Luther; quand les idées de Strauss et de Darwin seront en faveur, aura-t-elle un sort moins rigoureux? On ne le pense pas à Berlin.

Si les passions protestantes et professorales doivent régner longtemps sur l’Allemagne, Dieu préserve ses voisins de s’emprisonner comme elle dans les sombres geôles de la théologie ! Deux fanatismes rivaux, deux frères ennemis, se surveillant d’un œil jaloux par-dessus le Rhin, voilà un danger qu’il faut éviter à tout prix, et on doit désirer ardemment que le zélotisme catholique et clérical ne trouve pas de ce côté-ci des Vosges son dernier refuge ou sa terre de promission, on doit souhaiter que la république du maréchal de Mac-Mahon ne devienne pas, comme nous le disait l’autre jour un spirituel diplomate, « la république de Charles X. » Autrement une collision prochaine viendrait justifier non-seulement les fâcheux pressentimens de l’auteur de la brochure, mais les sinistres prophéties qu’exposait hier encore M. Gladstone dans une revue anglaise. En homme sûr de son fait et qui possède le secret des dieux, l’ancien premier lord de la trésorerie annonçait que « ce puissant courant de passions humaines, que nous appelons faussement la fatalité, » entraîne la France à un mortel conflit avec l’Allemagne, que, le jour venu, elle ne pourra contracter d’alliance avec aucun état, que son seul allié sera un allié sans nom, à savoir cette minorité ultramontaine qui est répandue sur toute la terre, qui hait l’Allemagne, qui trouble l’Italie, « qui triomphe en Belgique, qui fanfaronne en Angleterre, qui à Versailles tout à la fois gouverne et conspire, which partly governs and parthy plots. » Tel sera l’auxiliaire actif de la France « quand elle se lancera dans une aventure insensée sous la bannière du fanatisme religieux, et ces deux forces, leur union fût-elle mal assortie et dussent-elles se détester l’une l’autre, se ligueront pour une entreprise commune, bien qu’elles poursuivent des buts absolument différens. » Il semble que, whigs ou tories, les chefs des partis anglais qui ne sont plus au pouvoir éprouvent le besoin d’occuper leurs loisirs en écrivant des romans; mais nous préférons les spirituels romans politiques de M. Disraeli aux sombres romans théologiques de M. Gladstone, et nous dirions volontiers avec le Times que « la peur qu’il a du pape pourrait bien avoir dérangé quelque peu la balance de son jugement. »

Non, nous n’avons pas la république de Charles X, et fùt-il vrai qu’en France la minorité ultramontaine gouverne un peu et conspire