Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quartz et le métal à travers les fissures des roches préexistantes.

Le mineur californien mit une grande indécision à l’attaque des mines de quartz. Dans le comté de Nevada, près Grass-Valley, la veine d’Allison-Ranch, qui devait rendre vingt fois millionnaires les trois pauvres Irlandais illettrés qui l’avaient rencontrée par hasard, fut à peine fouillée en 1851, année de la découverte, et immédiatement bouchée. On croyait alors que les mines de quartz « ne payaient pas. » Ce ne fut que quatre ans après, quand il fut bien démontré par quelques exemples frappans que les filons rapportaient plus que les placers, que la veine d’Allison fut exploitée avec tant d’autres. Dès lors toute la Californie se précipita sur le quartz comme elle l’avait fait sur les sables. Bientôt la pierre fut extraite par les moyens les plus savans de l’art des mines, puis broyée en poussière ténue sous des pilons mécaniques analogues aux bocards allemands ou de la Cornouaille, que différens inventeurs s’attachèrent à perfectionner. L’or, entraîné par un courant d’eau avec le quartz pulvérisé, était recueilli au moyen du mercure dans des moulins ou appareils tournans, en fonte ou en pierre, qui furent bien vite, eux aussi, entièrement transformés en moulins hongrois, moulins chiliens, arastras mexicaines, agitateurs russes ou sibériens. On employait encore des plaques de cuivre amalgamé, c’est-à-dire revêtues d’une couche de mercure, adhérente par alliage avec le cuivre ; sur ces plaques passait et s’arrêtait l’or. Pour finir, on étendait devant les derniers résidus ou tailings, au moment où ils s’échappaient, des couvertures de laine ou même des toisons de brebis, dans les filamens desquelles s’engageaient les dernières parcelles du lourd métal. La toison d’or n’est pas une fiction, et les anciens argonautes avaient peut-être employé, dans les placers de la Colchide, le moyen ingénieux remis en usage par leurs frères californiens.

L’âge héroïque de l’exploitation de l’or commence avec la découverte de la première pépite dans la vallée du Sacramento en 1848, et finit vers 1859. Cette découverte fut entièrement due au hasard, et le mormon Marshall, milicien libéré de la guerre du Mexique, en route vers l’Utah et momentanément employé à la scierie du capitaine Sutter, n’en fut que l’inconscient opérateur. Sutter lui-même, ancien capitaine des gardes suisses de Charles X, émigré en 1830 en Amérique, colon en Californie, avait établi une scierie de bois sur un affluent du Sacramento, et ne se doutait point qu’on trouverait un jour autant d’or sur ses terres.

Les onze années qui suivirent cette découverte inattendue, laquelle allait si profondément remuer le globe, marquent l’ère des trouvailles fabuleuses, celle de la plus grande production, et celle