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qu’aux calculs malveillans de certains conservateurs, ennemis de M. Thiers. Cette fois encore il fallut pour le déterminer les instances de ses amis, qui ne pouvaient croire à un échec. Il échoua pourtant après une lutte où, soutenu par la gauche modérée, il fut combattu tout à la fois par la gauche extrême et par une coalition de légitimistes et de bonapartistes ralliés sur un autre nom. En soi, cet échec n’avait rien qui dût ébranler le gouvernement. Depuis longtemps la majorité conservatrice répétait avec affectation que, pour appuyer M. Thiers, elle ne lui demandait que de rompre avec la minorité radicale. Or la rupture venait de se faire sur les noms de M. de Rémusat et de M. Barodet, et l’on avait vu deux comités se former et lutter l’un contre l’autre, le premier composé des membres de la gauche modérée, le second des membres de l’extrême gauche. La majorité conservatrice avait donc obtenu ce qu’elle prétendait désirer et devait se tenir pour satisfaite. En secondant alors M. Thiers, il lui était facile de mettre un terme aux incertitudes de la France; mais la peur des radicaux n’était qu’un prétexte, et le jour où M. Thiers avait osé dire dans un message solennel que le seul gouvernement possible en France était désormais la république, il avait été condamné par les droites, qui n’attendaient plus que l’occasion d’exécuter l’arrêt. L’échec de M. de Rémusat fournissait cette occasion, et le 24 mai le gouvernement de M. Thiers fut renversé par la coalition de tous les ennemis de la république. Dès le lendemain, il fut évident que les coalisés ne visaient pas seulement à changer la politique; c’était avec la république elle-même qu’ils voulaient en finir, et ils se mirent activement à l’œuvre.

Cette fois encore M. de Rémusat était rendu sans partage à sa famille, à ses amis, à ses études, et personnellement il s’en félicitait plutôt que de s’en plaindre ; mais bientôt, une vacance s’étant produite dans la députation de la Haute-Garonne, la candidature lui fut offerte par le parti républicain, qui, reconnaissant son tort, voulait le réparer. C’était le moment où se faisait la tentative de restaurer une monarchie plus impopulaire encore dans les campagnes que dans les villes. M. de Rémusat commença par refuser; mais le mouvement était général, les paysans y prenaient part comme les ouvriers, on le menaçait de le nommer sans son consentement, et malgré sa résistance une grande majorité l’envoya reprendre sa place sur les bancs de la chambre. A peine y était-il assis qu’une mission importante lui fut confiée. Après la lettre inattendue du comte de Chambord, ses partisans eux-mêmes n’avaient plus osé proposer de lui offrir la couronne, et ils s’étaient ralliés à l’idée de prolonger pendant quelques années les pouvoirs du maréchal Mac-Mahon; il restait seulement à savoir si cette prolongation serait pure et simple ou si elle se lierait au vote des lois constitutionnelles.