Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pose ? À défaut du collège départemental d’autrefois, que rcste-t-il ? Un moyen commode d’imposer à des milliers d’électeurs votant isolément une liste composée de noms qu’ils ne connaissent pas, combinée dans un intérêt de parti qui ne les touche guère, auquel ils sont parfaitement étrangers. M. Laine, M. de Serre, M. Royer-Collard, et le dernier disparu de ces grands personnages parlementaires d’autrefois, M. Guizot, tous tant qu’ils sont, ils seraient bien étonnés de se savoir transformés en parrains de si étranges combinaisons ; s’ils étaient encore de ce monde, M. le garde des sceaux a eu raison de le dire de son ton narquois, ils auraient été l’autre jour à la place de M. Dufaure, M. de Marcère et de M. Ricard, qui se sont trop complu à s’abriter sous ce glorieux patronage. Les partisans du scrutin de liste feront bien de relire les discours de M. Royer-Collard, de M. de Serre, ils y gagneront toujours ; mais c’est vraiment abuser des « autorités » et prêter un peu à rire que de se prévaloir des paroles prononcées par M. Laine en 1817, à propos des électeurs à 300 francs et des collèges à 600 électeurs !

Il y a une autre raison qui n’est point tirée de l’histoire et qui n’est pas meilleure, qui a le malheur de ressembler à une de ces armes banales dont se servent toujours les partis extrêmes. On touche au suffrage universel ! Le scrutin d’arrondissement est une atteinte au suffrage universel ! Que les révolutionnaires de toutes les couleurs, que les radicaux de toutes les nuances parlent ainsi, c’est chez eux une invétérée dont ils ne peuvent se défaire. À la moindre tentative pour régulariser un régime électoral, ils crient à la violation du droit ; ils voient poindre partout une oligarchie menaçante, et, à leurs yeux, c’est pour le moins une nouvelle loi du 31 mai que médite à tout propos la vieille majorité de l’assemblée. Ils sont de ceux qui ne plus la république, qui la croient perdue dès que l’ordre se rétablit à demi. M. Ricard n’est point sans doute de ces déclamateurs, c’est un politique sérieux et modéré, un républicain conservateur, et pourtant il parle ici comme un radical, il se laisse aller à ces qui finissent par devenir vulgaires. En quoi donc le vote universel est-il menacé par le scrutin d’arrondissement ? Où voit-on cette « atteinte formelle, incontestable au principe de l’égalité des Est-ce que l’électeur ne vote pas partout directement, librement, sans condition de cens, sans aucune de ces restrictions qu’imposait la loi du 31 mai et que personne n’a proposé de faire revivre ? — C’est que tous les arrondissemens, dit-on, n’ont pas une population égale ; il y a des circonscriptions qui comptent à peine 20,000, 30,000 habitans, il y en a qui ont une population de 50,000 âmes ou au-delà, jusqu’à 100,000, et les unes et les autres indistinctement nomment toujours un seul député. Rien n’est plus vrai, et, si l’on veut chercher des on en trouvera partout, quel que soit le système qu’on adopte.