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importance, où les modérés auraient risqué d’être entraînés, s’ils pas été étouffés. La constitution serait devenue ce qu’elle aurait pu. Nous ne disons point à coup sûr que le scrutin d’arrondissement soit un remède à tout, mais il tempère ces mouvemens violens que le scrutin de liste déchaîne parfois, il assure à un régime régulier un ressort simple et naturel, il met par cela même bien moins en péril les institutions qu’on veut faire vivre, et c’est assez pour que le vote qui l’a consacré soit réellement un vote de prévoyance et de raison politique.

C’était le résultat le plus désirable, et s’il est resté douteux tant n’a point été constaté, si la nerveuse parole de M. Dufaure n’avait pas suffi pour rallier les convictions encore incertaines, M. Gambetta s’est chargé de frapper le dernier coup pour achever la ruine de la cause prétendait servir, en même temps que le succès du scrutin d’arrondissement, qu’il voulait combattre. M. Gambetta est certainement qui ne manque pas de puissance. Il a son éloquence à lui, une parole bouillante, écumeuse, incorrecte. Comme ceux qui se permettent tout, il trouve parfois, au milieu des plus singulières licences, des passionnés et même des traits assez vifs où il y a une pointe d’esprit. C’est un mélange de fougue, de facilité, d’exaltation factice et de humeur. Au fond, M. Gambetta est modéré, il a des instincts de gouvernement, il ne répugnerait pas aux transactions, s’il était plus il n’est pas libre, il est enchaîné par des liens de parti, par des de position, et de là cette incohérence perpétuelle qui diminue singulièrement l’autorité de sa parole, l’efficacité de ses Ce qui est certain, c’est que, s’il a cru l’autre jour être un habile tacticien, il s’est trompé, il a été malheureux de toute façon. Qu’on tant qu’on voudra qu’il a été un prodige, qu’il n’a jamais été plus éloquent : la vérité est qu’il a fait tout ce qu’il fallait pour marcher déroute et même pour aggraver cette déroute. D’abord, comme s’il tenait à justifier sur-le-champ ce que venait de dire M. Dufaure au sujet de la difficulté d’une alliance avec les radicaux, même avec les relativement modérés, M. Gambetta n’a trouvé rien de mieux que de prendre violemment à partie le centre droit tout entier, de le mettre en cause dans sa politique, dans ses souvenirs, dans ses traditions. C’était, on l’avouera, bien prendre son moment et montrer un tact supérieur ! M. Gambetta, qui a la parole leste, trouve que la monarchie constitutionnelle est le plus médiocre des régimes, qu’il a suffi, pour en avoir raison, d’une « agitation de fourchettes. » Le mot est bien imaginé, il ira chatouiller délicieusement le radicalisme inférieur, à soupçonner l’ancien dictateur de modérantisme. Quant à cette révolution de février ainsi qualifiée, d’autres l’ont appelée une « catastrophe, » M. Gambetta l’appelle une « agitation de fourchettes, » c’est