juges en Israël, que vous admirez tant, étaient des fainéans, qui voulaient commander au peuple, percevoir la dîme et dicter des lois sans porter les armes. Pendant que les autres allaient se faire tuer à la guerre, eux, ils restaient à la maison, ils veillaient sur l’arche sainte, et l’abandonnaient bravement pour sauver leur peau, quand les Philistins avaient le dessus. Le peuple finit par s’apercevoir qu’il était conduit par des lâches ; il fallut, bon gré mal gré, que Samuel consentît à lui donner un roi ; mais il choisit, dans l’intérêt de sa caste, un véritable imbécile, ce Saül, qui, la veille de la dernière bataille, alla consulter la pythonisse, une espèce de bohémienne cachée dans un trou, loin du camp, laquelle lui prédit insolemment sa défaite, — de sorte que, pendant l’action, ce crétin perdit tout courage et se perça lui-même de son épée. Ces choses sont claires, il faut être aveugle pour ne pas les voir ! Et quant à David, c’était un Bédouin courageux, rusé, il avait du sang, comme le coursier arabe ; il était toujours à cheval, rôdant à droite, à gauche, pillant celui-ci, détroussant celui-là. Ce brave garçon finit par éprouver le besoin d’assurer sa retraite, il jeta les yeux sur Jérusalem ; il s’entendit avec les prêtres, qui gardèrent leurs privilèges et lui soumirent le peuple. Ce David est le plus bel exemple de ce que peut faire la pureté du sang dans les races primitives, il fonda sa dynastie, il fit traîner ses ennemis sous des herses, il laboura leurs os ; il vécut jusqu’à l’extrême vieillesse ; il eut toutes les gloires de la sainteté, de la poésie, avec les satisfactions réelles, positives de l’existence… Voilà, monsieur le pasteur, les exemples qu’il faut choisir pour l’instruction d’un jeune noble, et non pas les exemples de Jonas, d’Elias et d’autres pareils démagogues. Parlez aux paysans de Job, de Ruth et de Booz, de Tobie, à la bonne heure ; mais parlez de David, de Mathathias, de Judas Machabée à des gens de guerre, et surtout ne venez pas leur donner des préceptes contraires à leur profession, capables de les faire manquer à l’honneur, comme de recevoir des coups sans les rendre.
Le pasteur était confondu. — Mais, monsieur le baron, dit-il à la fin, mais ce précepte est écrit en toutes lettres dans les Évangiles…
— Dans les Évangiles, répliqua le grand-père avec impatience, on trouve de tout, seulement il faut savoir choisir. Le Christ n’était pas ce que vous croyez, c’était un homme de race noble ; il descendait de David, il voulait être roi d’Israël. Il essaya de soulever le peuple et de se faire proclamer. Malheureusement les Romains dominaient le pays, ils en avaient déjà fait nommer les rois, de race étrangère, cela va sans dire : Hérode, un Iduméen, percevait les impôts et partageait le pouvoir avec le procurateur Ponce-Pilate. Les prêtres juifs, sous ce régime, conservaient en partie leurs privilèges ;