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y était à peine depuis quelques mois quand elle faillit disparaître dans un incendie : il fallut jeter en toute hâte la plupart des volumes par les fenêtres. Lorsqu’on fit ensuite l’inventaire, de 958 manuscrits alors portés au catalogue, plus de 100 étaient « perdus, brûlés ou entièrement gâtés,  » comme le dit le rapport présenté aux chambres ; un bien plus grand nombre avait plus ou moins souffert du feu. Une certaine quantité de volumes purent être défaits, réparés et reliés à nouveau dans un bref délai ; mais beaucoup d’autres étaient restés jusqu’à nos jours dans l’état où la flamme les avait mis ; on peut en juger par un de ces manuscrits qui se trouve encore aujourd’hui exposé au Musée-Britannique. On n’osait toucher à ces masses de parchemins noircies, froncées, crispées par la flamme ; on craignait de les réduire en poussière en y mettant le doigt. Il y avait pourtant là des trésors, des recueils de pièces que les historiens ne se consolaient pas de ne pouvoir consulter. Depuis 1824, on s’est donc remis à l’œuvre ; à force de patience et de soins, MM. Forshall et Madden, qui se sont succédé au département des manuscrits, ont réussi à séparer et à fixer les feuillets calcinés ; ils ont ainsi pu recomposer près de 300 volumes de documens, dont beaucoup étaient regardés comme perdus sans ressource pour la science.

Cet accident fit accuser de négligence le célèbre Bentley, alors investi du titre de bibliothécaire, mais il eut un heureux contrecoup : il décida un officier distingué, le major Arthur Edwards, à léguer la somme alors très considérable de 7,000 livres pour la construction d’un édifice spécial, où les livres, grâce à leur isolement et aux précautions prises, se trouveraient mieux protégés contre de pareilles catastrophes. Le legs était grevé de rentes viagères qui l’empêchaient d’être aussitôt disponible ; on ne fit donc rien. Ce qui restait de la bibliothèque des Cotton resta réuni, dans Ashburnham-house, aux livres qui appartenaient à la couronne. Malgré l’indifférence des princes qui s’étaient succédé sur le trône, la bibliothèque royale, vers le commencement du XVIIIe siècle, comprenait plus de 12,000 volumes, dont beaucoup de raretés. On y remarquait, parmi les manuscrits, le fameux codex alexandrinus, un des plus anciens textes de l’Écriture sainte qui nous soient parvenus, et plusieurs vieilles chroniques anglaises, transcrites ou composées pour le souverain régnant, le groupe des romans que John Talbot, comte de Shrewsbury, avait fait recueillir pour Marguerite d’Anjou, et la copie autographe du Basilicon, cette étrange composition de Jacques Ier, où, dans la pensée du royal auteur, son fils devait apprendre son métier de souverain. Parmi les imprimés se trouvaient d’admirables livres offerts en divers temps aux rois de la maison de