Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à frais communs, en ville même et dans la campagne de Rome, et l’on en partageait les fruits. Il n’était pas toujours aisé de s’entendre sur la répartition : plus d’une fois, surtout quand il fut retourné en Angleterre, Towneley crut avoir à se plaindre de ses associés ; mais il n’en obtint pas moins ainsi des marbres de prix provenant des ruines de la villa d’Hadrien à Tivoli, de celles d’Antonin le Pieux à Lanuvium, et d’autres sites analogues. Ce fut d’Ostie, des bains de Claude, qu’il tira la figure drapée qui est connue sous le nom de Vénus Towneley, statue intéressante et qui a de belles parties, mais dont la réputation a été fort exagérée. En 1777, Towneley vint s’installer avec ses trésors à Westminster ; dans un hôtel disposé de manière à les montrer dans le meilleur jour aux artistes et aux savans. Pour s’être fixé à Londres, il n’avait pas renoncé à augmenter sa galerie ; chaque année, de nouveaux monumens lui arrivaient d’Italie ou même d’Orient, et, jusque dans un âge avancé, il ne regardait point à partir lui-même pour Rome quand il y croyait sa présence nécessaire pour contrôler le résultat des fouilles où ses fonds étaient engagés.

Devenu depuis 1791 un des trustees du musée, Towneley s’intéressait vivement à la prospérité de cette institution, et il avait même fait un testament par lequel il lui laissait son cabinet ; mais dans les derniers temps il s’était laissé entraîner par sa passion, et ses biens étaient grevés d’une hypothèque de près d’un million de francs. Il fut donc obligé, pour l’honneur de son nom, de révoquer la donation déjà préparée, et après sa mort ses héritiers, en 1805, négocièrent une cession au musée. Les trustees s’adressèrent au parlement, qui vota une somme de 20,000 livres, très inférieure à la valeur réelle de la galerie, mais acceptée d’avance par le frère du défunt. La galerie Towneley entra donc tout entière dans le Musée-Britannique, et ce sont encore les marbres dont elle était composée qui forment le principal ornement des salles dites gréco-romaines. Sans doute ils ont perdu de leur importance depuis que le musée s’est récemment enrichi de tant de marbres vraiment grecs, d’origine certaine, tels que ceux du Parthénon et de Phigalie, de Cnide et d’Éphèse ; en comparaison de ces monumens authentiques, les statues de provenance italienne, simples copies d’originaux célèbres ou parfois même copies de copies, retombent au second rang. La galerie Towneley n’en a pas moins été pour le Musée-Britannique à peu près ce que la galerie Borghèse a été pour le Louvre, un riche répertoire de ces bas-reliefs, de ces bustes, de ces statues qui, sous l’empire, décoraient par milliers les édifices publics de Rome ainsi que les villas des grands seigneurs et les bibliothèques des lettrés.