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seulement, à ses risques et périls, il commença de remuer le sable pour trouver, sur la foi de Strabon, le Serapeum de Memphis, jusqu’au moment où nous écrivons, il n’a cessé d’enlever à ce sable, c’est-à-dire sinon à la destruction, du moins à l’oubli, les monumens d’une civilisation qu’Hérodote lui-même avait à peine soupçonnée. Le musée de Boulaq et le musée égyptien du Louvre contiennent aujourd’hui les splendides témoignages de ses heureux travaux, dont le récit, à vrai dire, est épique. Dans cette longue lutte, d’abord contre les préjugés despotiques et aveugles, puis contre les ténèbres souterraines, contre l’ophthalmie et les terreurs du désert, c’est l’homme intelligent et courageux qui a vaincu, et la science avec lui. M. Mariette, occupé aujourd’hui de la publication de son Temple de Denderah, aura vu se former, grâce aux moyens d’étude qu’il a tant contribué à multiplier, toute une phalange de jeunes égyptologues, MM. Maspero, Pierret, Grébault, pour succéder à Devéria, à M. Chabas et à d’autres.

Avons-nous désormais un assez grand nombre de textes de l’ancienne Égypte traduits avec sûreté, définitivement accueillis par la science, pour nous faire de la civilisation pharaonique, de la tournure d’esprit et d’intelligence de ces peuples, une idée moins vague que celle qui nous a été transmise par les Grecs ? C’est la première question en vue de laquelle nous pouvons interroger le livre de M. Maspero, avec la certitude d’y rencontrer d’intéressantes réponses, auxquelles se pourront ajouter encore des indications utiles.

On pense bien, à se rappeler seulement les témoignages des anciens, que la littérature religieuse doit tout d’abord abonder dans les monumens écrits ou figurés d’un tel peuple. Les peintures murales conservées de l’ancienne Égypte présentent presque toutes des scènes d’adoration, et de même beaucoup des papyrus qui ont subsisté jusqu’à nous contiennent uniquement des invocations et des prières. On sait que le Rituel funéraire occupe le premier rang parmi les œuvres de cette sorte ; presque toute momie offre, parmi les enroulemens de ses bandelettes, des fragmens de ces formules sacrées qu’elle est supposée réciter en l’honneur des dieux. — En dehors des textes innombrables qui se rapportent au culte, nous n’en possédons pas qui traitent, à vrai dire, de philosophie ; mais nous avons du moins, dans le papyrus donné par M. Prisse à notre Bibliothèque nationale, des fragmens de traités de morale, en particulier l’opuscule déjà célèbre sous le nom d’Instructions de Ptah Hotep. Dans le pur domaine littéraire, on peut compter d’abord de nombreux morceaux de poésie vraiment épique, comme ces grands récits d’expéditions guerrières gravés et peints sur les colonnes et les murs des palais, puis des œuvres de pure