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vers moi pour dissiper mes ténèbres et me ramener à la lumière ! » Au fond du cercueil, la déesse de l’Amenti ou du séjour des ombres est figurée. Au chevet, le bouquet de lotus, présage d’une nouvelle naissance, et, sur le bouton de ce lotus qui va s’épanouir, l’enfant divin ; image du soleil levant, c’est-à-dire de l’éternelle jeunesse divine. Le sarcophage est lui-même couvert d’images symboliques ; on peut en voir un très bel exemple au musée du Louvre sur celui dont les deux moitiés, avec d’admirables gravures, sont dressées sur le palier du grand escalier. M. de Rougé les a fort bien décrites l’une et l’autre dans son précieux catalogue de la collection. Isis et Nephtys, les deux déesses, tendent les voiles, qui sont enflées du souffle de la vie ; elles assistent l’âme dans son funèbre voyage vers la scène du jugement, et de nombreuses inscriptions leur prêtent une voix que la traduction nous fait entendre : « Je viens à toi, je suis près de toi, pour donner l’haleine à tes narines, pour que tu respires les souffles du dieu Atmou, pour réjouir ta poitrine, pour que tu sois déifiée ! » Vient la scène du jugement ; l’âme va être pesée dans la balance ; le cynocéphale est assis, emblème d’équilibre ; un des plateaux contient l’âme, dans l’autre est une plume d’autruche, signe de justice et de vérité. C’est le dieu Horus, fils d’Osiris, qui procède à la pesée suprême ; mais il prête au mort son assistance, il appuie furtivement du doigt sur le plateau qui devra, en l’emportant, décider du côté de l’indulgence et du pardon, — expression délicate d’une réelle confiance dans la commisération divine. Quelle que soit cependant cette encourageante bonté des dieux, il y a des peines pour l’âme condamnée aussi bien que des récompenses pour l’âme justifiée ; mais il est remarquable que les châtimens ne sont pas éternels, en ce sens qu’ils se terminent par une seconde et définitive mort, pendant que les âmes pures continuent de cultiver avec bonheur les champs d’Osiris. Il est très vrai du reste que cette idée de monothéisme s’efface pour bien des âmes, et laisse place à des cultes qui tombent dans l’idolâtrie. C’est là que se marque l’infériorité des Égyptiens comparés aux Hébreux. M. Mariette, dans son mémoire sur la mère d’Apis, le plus important, à certains égards, de ses nombreux écrits, a très finement signalé la différence qu’établit entre les deux conceptions religieuses l’emploi fréquent de deux remarquables formules, ici : le seigneur-les dieux créèrent, là, c’est-à-dire en hébreu : le seigneur-les dieux créa. Voilà nettement accusée la séparation de deux races dont l’une incline forcément au monothéisme et l’autre, malgré une croyance primordiale et foncière en un seul Dieu, au polythéisme.

Après cela, on ne doit pas croire qu’une parfaite unité de croyances existât plus en Égypte que chez tout autre peuple intelligent et