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fondant les unes dans les autres et ne se révèlent que par leur saveur.

Les motifs d’excursion abondent aux environs du château de La Flachère. Ce château de Bagnols, encore en assez bon état de conservation, quoiqu’il soit passablement délabré, appartint jadis au maréchal de Saint-André, et fut honoré un siècle plus tard de la visite de Mme de Sévigné. Là-bas se présente modestement une maison que nul ne songerait à remarquer, si on ne prenait le soin de vous la désigner : ce fut la maison de campagne de Roland de La Platrière, le ministre girondin de Louis XVI, mari d’une femme plus grande que lui, mais, je le crains bien, moins foncièrement honnête. Ailleurs, sur une éminence qui domine la verdoyante vallée de l’Azergue, le château de Châtillon dresse fièrement ses restes superbes. Des différentes familles nobles qui ont possédé ce château, une seule, celle des Balzac, a laissé ici un souvenir. La pierre tombale qui recouvrit les restes de celui des Balzac qui fut serviteur de Charles VIII est encore scellée dans le pavé d’une ravissante chapelle entièrement restaurée dans ces dernières années. Hippolyte Flandrin a eu le temps d’en orner l’autel de peintures représentant les apôtres dont il a ingénieusement changé les types arrêtés par la tradition, c’est-à-dire qu’au lieu de représenter des hommes dans toute la plénitude de la maturité et portant les marques de la vie, il a donné à ses saints personnages le même âge qu’avait leur maître lorsqu’il se sépara d’eux, bien légère hardiesse, mais que l’orthodoxie si connue d’Hippolyte Flandrin ne permet point de ne pas remarquer, et qui ne laisse pas que de produire une impression quelque peu bizarre, tant l’imagination habituée aux types consacrés a de peine à se figurer un saint Paul sans fortes rides et sans sévérité d’aspect, et un saint Pierre autrement que chauve. Ces édifices et ces ruines sont encadrés dans un paysage qui vaut la peine d’être remarqué, car il a son originalité propre parmi tous les autres paysages des régions montagneuses. Il ne faut chercher ici ni les éminences isolées du Forez, qui semblent avoir jailli du sol tout exprès pour rompre la monotonie de la plaine, ni les enchaînemens des forteresses naturelles de l’Auvergne, ni les élévations modérées et alternant sagement, pour ainsi dire, avec la plaine, du Limousin et de la Marche, ni les cirques, les gorges profondes, et les entonnoirs au vert sombre des campagnes du Velay. Le Lyonnais surtout, dans la région où nous voici, présente un sol bosselé sur toute sa superficie d’éminences singulièrement inégales, presque sans alternances de plaines. Contemplée d’en haut, cette campagne ressemble à un interminable entassement de taupinières énormes étroitement serrées les unes contre les autres, ou mieux encore à une succession de ces gigantesques monumens funèbres connus sous le nom de