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n’ont pas dépassées les Clive ni les Hastings, mais avec un sentiment plus profond du juste et de l’honnête, a conçu le premier ces moyens de guerre et de politique qui dans le dernier siècle ont donné l’empire de l’Inde aux Anglais.

Une chose du moins peut nous consoler du spectacle d’incurie et de honte que présente le règne de Louis XV, je veux dire l’influence que par ses écrivains et ses « philosophes de génie, » comme les appelle Grimm, la France continue d’exercer sur l’Europe. M. Guizot s’y est arrêté longuement, et ceux qui liront le chapitre qu’il consacre aux Montesquieu et aux Voltaire, aux Diderot et aux Rousseau, y trouveront sur le XVIIIe siècle, si singulièrement mélangé de bien et de mal, mais « supérieur à ses sceptiques, » un jugement dont il nous semble qu’on peut dès à présent accepter les conclusions comme l’arrêt définitif de l’histoire. Je croirais faire injure à M. Guizot en louant son impartialité, — n’est-ce pas toutefois un rare mérite à ce vieillard, dont la foi religieuse croissait avec les années d’ardeur et d’austérité, que d’avoir su rendre justice pleine et entière à ces maîtres de l’invective et de la raillerie qui sont les hommes de l’Encyclopédie ? C’est qu’aussi bien, à ses derniers jours comme à ses débuts, il y a quelque soixante ans, M. Guizot était soutenu dans sa tâche par une profonde conviction des devoirs de l’historien. Lui-même il l’a exprimée dans la phrase qui termine le volume et l’ouvrage : « Dès les premiers jours de la réunion des états-généraux, dans l’ardeur d’une discussion violente, Barrère s’était écrié : « Vous êtes appelés à recommencer l’histoire. » Il se trompait arrogamment. Depuis plus de quatre-vingts ans la France moderne poursuit laborieusement et au grand jour l’œuvre qui s’était lentement élaborée dans les flancs obscurs de la France ancienne. Entre les mains toutes-puissantes du Dieu éternel, l’histoire d’un peuple ne s’interrompt et ne recommence jamais. » Ainsi c’était toute la France, l’ancienne et la nouvelle, qu’il aimait d’un même amour, — dans la patrie commune, il n’avait pas voulu, comme tant d’autres, se faire une seconde patrie de ses préjugés et de ses liaisons de parti. Homme nouveau, il n’admettait pas qu’une seule classe revendiquât elle seule l’ancienne France, mais il n’admettait pas non plus qu’on reniât ses origines, et qu’on se parât comme d’une marque d’indépendance de ce signe de l’étroitesse d’esprit et de la sécheresse de cœur.


F. BRUNETIÈRE.


Ismaïlia, a narrative, etc., by sir Samuel White Baker, 2 vol., Londres 1875 ; MacMillan. — II. Ismaïlia, récit d’une expédition dans l’Afrique centrale, par sir Samuel White Baker, traduit par M. Hippolyte Vattemare, avec 56 gravures et 2 cartes, Paris 1875 ; Hachette.


Parmi les explorateurs de l’Afrique équatoriale, sir Samuel White Baker figure au premier rang. C’est lui qui a découvert l’un des grands