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corbeau devront voler en avant, le pic-vert et la pie en arrière. Pendant l’inspection des oiseaux, l’augure se tiendra immobile et tourné du même côté; s’il fait un mouvement, s’il se retourne, les auspices seront nuls. Les limites du carré imaginaire à l’intérieur duquel les présages doivent se produire sont tracées dans le ciel ; pour permettre à l’augure de s’orienter, on indique les lieux correspondans sur la terre. Nous avons ici un fragment de la topographie des environs d’Iguvium. L’inscription, supposant que les présages ont été favorables, donne la formule que prononcera l’augure, après quoi la purification commence. Elle consiste dans une procession autour de la ville et dans une série de quatre ou plutôt de huit sacrifices successifs. Le premier est offert à la porte Trébulane : devant la porte Trébulane, on immolera trois bœufs à Dius Grabovius; derrière la porte Trébulane, on immole trois truies grasses à Trebus Jovius. Le second sacrifice est offert à la porte de Tersena. Devant la porte, on immole trois bœufs à Mars Grabovius; derrière la porte, trois jeunes porcs à Fisus Sancius. Le troisième sacrifice a lieu à la porte de Veïes : on immole trois bœufs devant la porte à Vofionus Grabovius, et derrière la porte trois brebis à Tefrus Jovius. Le quatrième sacrifice n’a pas lieu près d’une porte[1], mais à deux endroits qu’il faut probablement regarder comme des bois sacrés. Pour chacun de ces sacrifices, l’inscription énumère les dons accessoires qu’on doit offrir à la divinité, et elle entre quelquefois dans le détail des rites à suivre. Le double caractère que Cicéron dans sa République dit être le propre de la religion romaine se retrouve à Iguvium : une extrême simplicité des offrandes unie à une grande complication du rituel. Du lait, du vin, un peu d’encens, diverses sortes de gâteaux, composent le menu ordinaire des dieux : ce qui fait le mérite du sacrifice, c’est l’exacte observation de toutes les prescriptions liturgiques. « Si quelque chose, dit la table VI, a été omis, interverti, manqué, le sacrifice sera nul, tu retourneras à la porte Trébulane pour inspecter les oiseaux et pour tout recommencer. »

Les prières, dont quelques-unes sont citées in extenso, semblent conçues dans le même esprit. Elles présentent la même superfluité de mots, les mêmes répétitions, la même cautèle et le même attachement aux formules que Cicéron relevait chez les jurisconsultes romains. « Je t’ai invoqué, je t’invoque, Dius Grabovius, pour la Colline-Fisienne, pour le peuple iguvien, pour le nom de la Colline-Fisienne,

  1. Les villes étrusques, au témoignage des anciens, avaient généralement trois portes, chacune consacrée à une divinité différente. Le quatrième côté de la ville était fermé. Telle était aussi la disposition de Rome sous ses premiers rois; telles sont restées les dispositions du temple romain et du camp romain.