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avaient eu déjà des rapports hostiles ou amicaux avec les Égyptiens, la pénétration et le commerce des deux races devinrent bien plus étroits durant la domination des Hyksos ou Hak-Sasu, c’est-à-dire des cheiks de Sémites nomades. D’ailleurs, quoi qu’on en ait dit, aucune antipathie insurmontable n’existait entre les deux peuples. Sans parler des affinités linguistiques et religieuses, qui permettent de considérer les Égyptiens comme des Protosémites, on retrouve partout, en Égypte et eh Syrie, les marques de profondes influences réciproques. Presque de tout temps il y a eu des Sémites dans la Basse-Égypte : leurs descendans existent encore à l’orient du Delta, sur les bords du lac Menzaleh. De tout temps aussi les Égyptiens ont tenu en singulière estime les services des esclaves sémites. Aux bazars de Memphis et de Thèbes, à côté du classique « Syrien, » coureur et porteur de litière, on rencontrait des esclaves de choix, des sujets rares et de haut goût, véritables objets de luxe. Souvent l’habile Cananéen, d’esprit ingénieux et subtil, souple et rampant devant le maître, dur et impitoyable aux serviteurs, faisait, comme Joseph, un bon administrateur de domaines. Les dieux et les déesses d’Aram, de Canaan, de Judée, d’Assyrie, étaient adorés en Égypte comme le dieu Bas et la déesse Bast, divinité éponyme de la ville de Bubast. Même influence des idiomes de Syrie sur la langue des Égyptiens. De la XVIIIe à la XXe dynastie, on relève des mots sémitiques sur tous les documens écrits ; les enfans dans la maison, les fonctionnaires royaux à la cour, reçoivent des noms asiatiques. C’était le temps où, selon la piquante remarque de M. Maspero, les raffinés de Thèbes et de Memphis trouvaient autant de plaisir à sémitiser que nos élégans à semer la langue française de mots anglais mal prononcés. Le commerce phénicien, le plus riche, le plus varié, le plus étendu qui ait existé dans l’antiquité, approvisionnait des denrées du monde entier les comptoirs des villes du Delta. Dans les eaux orientales de la Méditerranée, on ne voyait que vaisseaux phéniciens faisant voile pour l’Égypte et navires égyptiens voguant vers Tyr, Sidon, Aradus.

Avant d’étudier, à la suite du dernier explorateur de la Phénicie, M. Ernest Renan, ce qui reste aujourd’hui d’une des plus importantes familles de Canaan, il était nécessaire d’interroger les antiques annales de l’Égypte, au moins pour les hautes époques, les Phéniciens eux-mêmes ne nous ayant rien appris sur les origines de leur nation, de leurs arts et de leurs religions. S’ils avaient écrit leur histoire, comme on n’en saurait douter, car leur littérature était des plus riches, rien n’en est venu jusqu’à nous en un texte authentique. C’est dans quelques pages de deuxième et de troisième main qu’on lit les fragmens des annales de Ménandre d’Éphèse et