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pareils. Ce sont, dans les monumens d’un même ordre, les mêmes principes, le même esprit, les mêmes dispositions d’ensemble ; mais chaque édifice a, dans ses proportions ou sa décoration, quelque chose qui ne se trouve point ailleurs et qui est comme la signature même de l’artiste. L’ionique du temple d’Érechthée à Athènes n’est pas celui de l’Asie-Mineure ; il s’en sépare non-seulement par le dessin de la base et du chapiteau, mais encore par une richesse d’ornemens qui ne pouvait convenir qu’à un édifice de petite dimension. Poussez plus loin la comparaison ; rapprochez l’un de l’autre tous ces fragmens d’édifices ioniques, provenant d’Éphèse, de Xanthos et de Priène, qui forment ici un vrai musée d’architecture, et vous noterez partout, avec de sensibles ressemblances, des diversités qui ne frappent pas moins un œil exercé ; ainsi c’est le chapiteau d’Éphèse qui est le plus beau et où le canal de la volute a la courbe la plus heureuse. Ce n’est pas seulement par plus ou moins de pureté dans la forme de telle ou telle moulure que l’architecte donne à son œuvre ce caractère individuel qu’il recherche. Le temple d’Apollon Didyme, près de Milet, nous a livré ces puissantes bases sculptées que M. Olivier Rayet a dégagées et dont M. Gustave de Rothschild a fait présent au Louvre ; mais voici qu’à Éphèse l’architecte prend un parti bien plus imprévu et plus hardi. Il veut donner un caractère unique à ce temple somptueux qu’avaient concouru à élever toutes les villes, tous les rois de l’Asie ; il ne provoque point l’ornemaniste à décorer de rinceaux et de feuillages, comme à Milet, les bases de ses colonnes, mais il réclame le concours des meilleurs sculpteurs contemporains, d’un Scopas par exemple, pour enrouler autour du fût lui-même, dans sa partie basse qui est à portée du regard, comme une ronde de légères et nobles figures qui tournent et qui montent avec la colonne, qui semblent lui communiquer la vie qui les anime. Espérons que cette découverte rendra ceux qui prétendent connaître l’antiquité moins affirmatifs, moins prompts à rejeter et à nier tout ce qui les embarrasse !

Une fois épuisées les combinaisons les plus simples dont l’emploi caractérise l’âge et le goût classiques, il faut bien chercher autre chose, sous peine de tomber dans les redites ; les marbres d’Éphèse nous font assister à l’une de ces tentatives hardies jusqu’à l’imprudence, mais absoutes par le succès. Quant à cette perfection qui satisfait pleinement l’esprit et qui seule peut servir de modèle, c’est dans les statues, les bas-reliefs, les fragmens d’architecture enlevés par lord Elgin à l’acropole d’Athènes, qu’il faut aller l’étudier et l’admirer. Sanctuaire unique au monde, la galerie qui contient ces merveilles, bien éclairée, sobrement décorée, offre