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un harmonieux et bel aspect. Lorsqu’on en franchit le seuil, ce qui frappe tout d’abord, c’est, tout au fond de la salle longue et spacieuse, le grand lion de Cnide, fier colosse qu’il faut voir à distance. À droite du lion se profile sur ce fût d’Éphèse qui nous a tant occupé l’élégante silhouette d’une jeune figure, de cet Hermès, type accompli de l’éphèbe dont les membres ont été assouplis par l’huile et les luttes du gymnase. Plus près de vous, c’est la svelte colonne du temple d’Érechthée, vêtue de ses fines cannelures, semblables aux plis d’une draperie tombante, et parée du chapiteau le plus gracieux et le plus délicatement travaillé qu’ait jamais dessiné le crayon d’un architecte. Tout à côté, c’est une des cariatides de la façade méridionale, une des vierges de l’Érechthéion, comme les appelle une inscription attique conservée, elle aussi, au Musée-Britannique. La noble créature, la poitrine un peu effacée, se cambre légèrement sous le poids de l’entablement que supportent les tresses de sa chevelure, enroulées autour de la tête comme pour former un épais coussin ; il y a dans tout le mouvement de la figure, une aisance charmante qui exclut toute idée d’effort. La tête sérieuse et calme, le cou ferme et solidement attaché, le sein dégagé, le buste ample et droit, le genou gauche projeté en avant, donnent une des plus belles lignes que puisse suivre avec amour l’œil d’un artiste. Ces marbres de l’Érechthéion ont un ton plus doré que ceux du Parthénon ; il en sort comme une lumière et une chaleur, comme un reflet persistant du soleil de la Grèce.

Vous faites quelques pas dans la salle, et vous vous trouvez entre un chapiteau du Parthénon et un modèle réduit de cet édifice, qui vous permet de remettre à sa place chacun des fragmens de ce grand ensemble. A droite et à gauche, le long des murs, vous voyez s’avancer la procession des Panathénées, la longue file des adorateurs de Pallas Athéné, tout un peuple vivant, paré, suivant l’âge et le sexe, de ses vêtemens de fête ou de la nudité héroïque, vieillards qui mettent de l’ordre dans le cortège, jeunes hommes serrant du genou leurs chevaux qui bondissent et qui se cabrent, jeunes filles chargées des corbeilles et des vases sacrés, toute cette incomparable frise qui se développait sous le portique, sur les quatre faces de la cella, pour aboutir à un centre idéal, au groupe des magistrats et des dieux de la cité. Lorsqu’elle était entière, la frise avait environ 133 mètres ; il y en a ici plus de la moitié, partie en originaux détachés du temple par lord Elgin, partie en moulages.

Malgré les lacunes irréparables dont la barbarie turque et la barbarie vénitienne se partagent la honte, malgré ce mélange de plâtres et de marbres, malgré le parti qu’il a fallu prendre de tourner vers le dedans de la salle des bas-reliefs qui regardaient jadis