et il y a tant de choses à lire ! Elle y trouverait cependant quelques jolis vers à retenir, une pièce ou deux peut-être. M. Vinet, qui s’est montré un si bon juge de notre poésie moderne, a espéré sauver de l’oubli la VIIIe Consolation en l’insérant dans sa Chrestomathie. C’est celle qui commence ainsi :
- Naître, vivre et mourir dans la même maison…
La mélancolie et la noblesse de ces modestes existences que l’amour seul peut relever y sont peintes en vers heureux de forme et de sentiment :
- Dans son quartier natal, compter bien des saisons
- Sans voir jaunir les bois ou verdir les gazons,
- Avec les mêmes goûts, avoir sa même chambre,
- Ses livres du collège et son poêle en décembre,
- Sa fenêtre entr’ouverte en mai, se croire heureux
- De regarder un lierre en un jardin pierreux :
- Tout cela, puis mourir plus humblement encore,
- Pleuré de quelques yeux, mais sans écho sonore !
- O mon cœur, toi qui sens, dis ? est-ce avoir vécu ?
- Pourquoi non ? Et pour nous qu’est-ce donc que la vie ?
- …….
- Vivre, sachez-le bien, n’est ni voir ni savoir,
- C’est sentir, c’est aimer ; aimer, c’est là tout vivre.
- Le reste semble peu pour qui lit à ce livre ;
- Sitôt que passe en nous un seul rayon d’amour
- L’âme entière est éclose, on la sait en un jour,
- Et l’humble, l’ignorant, si le ciel l’y convie,
- À ce mystère immense aura connu la vie…
Cette noble pensée de l’égalité dans l’amour n’a peut-être jamais été rendue en vers plus purs et plus harmonieux. Et pourtant qui les connaît, sauf peut-être les jeunes filles de Genève et de Lausanne, entre les mains desquelles on met la Chrestomathie de M. Vinet ?
C’est se livrer au reste à un travail de curieux que de rechercher parmi Les poésies de Sainte-Beuve celles qui mériteraient d’être sauvées de l’oubli. Rien ne fera revenir le public sur le jugement qu’il a porté. Aussi n’y aurait-il pas lieu de s’arrêter plus longtemps à ce recueil des Consolations, s’il n’était nécessaire d’y étudier dans son expression première cette inspiration religieuse sous l’influence de laquelle Sainte-Beuve a écrit depuis le roman de Volupté ainsi que les deux premiers volumes de Port-Royal, et de discuter le degré précis de sa sincérité dans cette inspiration. On s’est livré à cet égard à de vives controverses, et il est nécessaire de serrer la question de près.
Au point où nous l’avons laissé, Sainte-Beuve était un disciple