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19,000 métiers à bras ; en 1856, 18,130 métiers mécaniques contre 8,657 métiers à bras. A partir de 1864, les métiers à bras sont mis hors de page, les tableaux ne mentionnent que les métiers mécaniques : 24,133 pour cette année de 1864, 24,646 en 1865, 30,421 en 1866. C’est un accroissement plus rapide encore et plus soutenu que celui de la filature. Entre les deux principales branches de l’industrie du coton, la balance est au moins égale, ou, pour parler la langue des champs de course, elles arrivent presque tête à tête.


III

Pour achever cet inventaire de l’activité de la Haute-Alsace à la veille de sa séparation, il ne nous reste qu’à passer en revue quelques fabrications spéciales dépendantes, pour la plupart, de l’industrie dominante, et par suite de quelques institutions d’assistance et de bienfaisance dans lesquelles cette province a notoirement excellé.

La plus importante des fabrications spéciales est celle des tissus en couleur, dont le siège est à Sainte-Marie-aux-Mines. La petite ville de Sainte-Marie, située à l’un des débouchés des Vosges, avait été dans le cours des siècles d’abord le chef-lieu d’une exploitation de mines, puis de draperies, de bonneteries et de tanneries, lorsqu’en 1755 M. Jean-George Reber de Mulhouse y apporta une industrie nouvelle qui devait absorber toutes les autres et y acquérir un très grand développement. C’était le tissage et la teinture du coton appliqués à des étoffes qui prirent le nom de cotonnades. Cette entreprise présentait de grandes difficultés ; sur les lieux, tout était à créer ou à refaire, bâtimens, machines, installations, mais M. Reber avait en surcroît de tous les autres génies celui de la patience ; il mit tous ces dons au service de la fabrication dont il avait conçu l’idée, et ne mourut en 1816, à l’âge de quatre-vingt-six ans, qu’après l’avoir fondée et armée de toutes pièces dans la localité dont il avait fait le choix. Sur ce point également, M. Reber avait été bien inspiré. Les filés alors obtenus à la main ne pouvaient être achetés que dans les contrées pauvres où la main-d’œuvre était modique. Encore étaient-ils trop grossiers pour servir de chaîne ; il fallait s’en contenter pour la trame, et tirer d’Elberfeld comme chaîne des fils de lin blanchi. C’était pourtant là l’origine d’une fabrication de luxe qui s’est montrée d’autant plus ingénieuse dans le cours des temps qu’elle avait rencontré plus de difficultés à son origine.

La question des couleurs n’offrit pas moins de problèmes que celle des fils. Pour les rouges, on employa d’abord le rouge de garance et le rouge de Fernambouc, enfin le rouge d’Andrinople, qu’on