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doit pas s’occuper d’autre chose en ce moment que d’une loi de liberté, et qu’il faut laisser à la prévoyante sollicitude de l’état la solution de toutes les questions relatives à la réorganisation de son enseignement supérieur. Il n’en reste pas moins vrai que ces questions ont un grand et actuel intérêt, et que, sans les introduire dans une loi qui ne les comporte pas, il est naturel en pareille matière de partager la pensée qui a dominé tout le discours de M. Bert. Quel sera l’effet de cette loi sur l’enseignement supérieur de l’état, et qu’y aurait-il à faire pour que la liberté lui profitât au lieu de lui nuire ? C’était déjà la préoccupation de la commission extraparlementaire qui, sous l’empire, avait compris dans ses conclusions des vœux et même quelques vues générales de réforme.

Pour les amis comme pour les adversaires de l’Université, il est constant que la situation actuelle de l’enseignement supérieur de l’état est de nature à faire naître de sérieuses réflexions. Peut-être M. Bert, dans son ardeur de réformes, a-t-il quelque peu chargé le tableau des misères de cet enseignement. Il est vrai qu’il a surtout parlé de l’état du matériel, et que, sous ce rapport, il n’y a rien à répondre à ses critiques. Non, les établissemens de ce genre n’ont pas, pour l’enseignement des sciences surtout, les ressources suffisantes pour le maintenir au niveau des universités de nos redoutables voisins. Les collections manquent ou sont incomplètes ; les salles de cours, les cabinets et les ateliers de physique, les laboratoires de chimie et d’histoire naturelle ne sont pas généralement pourvus des instrumens, des locaux, des auxiliaires nécessaires à la préparation des cours, aux travaux personnels des professeurs et à l’instruction des élèves. Il faut que très prochainement, malgré les besoins du trésor, le parlement vote d’urgence les ressources qui lui seront demandées pour cet objet par le ministre de l’instruction publique, et que le patriotisme fait un devoir d’honneur à tous d’accorder sans marchander. Là n’est pas la plus grande difficulté. Avec toutes les ressources de ce genre, avec un personnel vraiment digne de sa mission, l’enseignement de l’état aura beaucoup de peine à sortir de la situation où l’on peut dire qu’il végète dans la plupart des facultés, impuissant et découragé par la solitude qui s’est faite, ou, pour mieux dire, qui a toujours régné autour de ses chaires. Nous avons connu et vu à l’œuvre jadis, sous la direction d’un conseil royal qui comptait des hommes tels que Cuvier, Poisson, Thénard, Orfila, Villemain, Cousin, Dubois, Saint-Marc Girardin, un personnel de professeurs tout à fait à la hauteur de sa tâche pour la science et le talent. Nous n’avons en ce moment aucune raison de supposer que le personnel actuel soit sensiblement inférieur à l’ancien, sauf quelques éclatantes personnalités. Pourquoi donc cet enseignement a-t-il, nous ne disons pas si peu de retentissement