Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/487

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

FLAMARANDE

À M. EDME SIMONNET, MON PETIT NEVEU.
Georges Sand.

I.
Flamarande, juillet 1874.

J’ai été un des principaux acteurs dans le drame romanesque de Flamarande, et je crois que nul n’est plus à même que moi d’en raconter les causes et les détails, connus jusqu’à ce jour de bien peu de personnes, quoiqu’on en ait beaucoup et diversement parlé. Je suis arrivé à l’âge où l’on se juge sans partialité. Je dirai donc de moi le bien et le mal de ma conduite dans cette étrange aventure. J’ai aujourd’hui soixante-dix ans ; j’ai quitté le service de la famille de Flamarande il y a dix ans. Je vis de mes rentes sans être riche, mais sans manquer de rien. J’ai des loisirs que je peux occuper à mon gré en écrivant, non pas toute ma vie, mais les vingt années que j’ai consacrées à cette famille.

C’est en 1840 que j’entrai au service de M. le comte Adalbert de Flamarande en qualité de valet de chambre. Les gens d’aujourd’hui se font malaisément une idée juste de ce qu’était un véritable valet de chambre dans les anciennes familles, et, à vrai dire, je suis peut-être un des derniers représentans du type approprié à cette fonction. Mon père l’avait remplie avec honneur dans une maison princière. La révolution ayant tout bouleversé et ses maîtres ayant émigré, il s’était fait agent d’affaires, et, comme il était fort habile, il avait acquis une certaine fortune. C’était un homme de mérite en

tome viii. — 1er  février 1875.