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que celui qui l’a précédé. Il n’est rien de tel que de dépendre à chaque instant de ceux qui sur le forum veillent à la chose publique, et de sentir à ses côtés une presse vigilante et jalouse qui vous regarde. C’est encore un des avantages du régime populaire que cette incessante inquisition des journaux, que rien ne gêne, toujours prêts à tancer bruyamment ceux qui font mal, ceux qui s’oublient. Le département de charité et de correction, sans avoir l’importance de celui des parcs et des embellissemens, qui permit à l’inspecteur Tweed de faire sa large trouée, a encore une dotation importante. Il a dépensé, pendant la seule année 1871, plus de 8 millions 1/2 de francs pour le maintien des diverses institutions confiées à sa surveillance, et où environ 200,000 individus ont reçu asile et protection. C’est là une dotation deux fois sacrée, car c’est l’argent des pauvres, des malheureux.

Faut-il continuer nos visites à travers les îles de la rivière de l’Est et du Sound, et parler de toutes les autres institutions charitables ou correctionnelles qui mettent à une épreuve quotidienne le zèle de la municipalité de New-York ? Irons-nous inspecter le work-house, établi sur le modèle des maisons anglaises, où les vagabonds, les gens sans feu ni lieu, coupables d’un léger délit, trouvent un asile momentané et sont façonnés au travail, qu’ils n’ont peut-être jamais pratiqué ? Les mendians, les pauvres eux-mêmes, sont quelquefois envoyés dans un coin de ce refuge, quand l’asile des indigens regorge, et y trouvent le pain dont ils manquent et un abri. Quoi ! dira-t-on, des mendians aux États-Unis, à New-York, dans ce pays, dans cette ville où tout le monde travaille, où il est si aisé de trouver une occupation et une rémunération convenable, dans ce pays où le premier venu peut occuper sur l’heure 64 hectares des terres publiques ; des pauvres, des mendians, est-ce possible ? Oui, des pauvres et des mendians, l’hiver surtout, quand les affaires ne vont pas et que le froid se fait si vivement sentir. L’hiver dernier, une crise financière comme on n’en avait pas vu jusque-là éclate, intense, universelle au début ; elle dure encore : tous les asiles, tous les hôpitaux étaient pleins ; on a publiquement distribué des soupes à tous ceux qui en demandaient. Les riches ont fait assaut de générosité pour payer ces distributions. Le propriétaire du New-York Herald, M. Bennett, s’est inscrit à lui seul pour une somme de 100,000 francs. La charité ainsi exercée est mauvaise, nous le savons. On a vu des bandes de pauvres ou de gens qui se prétendaient tels affluer à New-York de toutes les fermes, de toutes les villes voisines. Ils quittaient la charrue, leur cahute, et venaient dans la grande cité vivre aux dépens des vrais nécessiteux. Que faire ? On était pris au dépourvu ; on les a aidés comme les autres.

Poursuivant nos études sur les diverses institutions de charité et