Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/662

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de correction à New-York, parlerons-nous maintenant de l’asile des enfans dans l’île de Randall, de l’école industrielle et de l’école nautique dans l’île de Hart ? Ces divers établissemens rappellent les logis et les écoles libres fondés dans la ville même pour les enfans des rues, si ce n’est qu’ici les enfans viennent d’eux-mêmes, et là contraints et forcés, qu’ici encore les enfans n’ont eu, au moins quand ils arrivent, rien à démêler avec la justice, tandis que là ce sont les tribunaux ou des parens justement irrités qui les envoient. Puisque nous ne pouvons tout passer en revue, réservons au moins une dernière mention à cet asile, à cette école des idiots, où de pauvres êtres presque entièrement privés de raison et d’intelligence sont patiemment amenés par des maîtres bien méritans à la connaissance des premiers rudimens. Ces faibles cerveaux, qu’on aurait crus fermés à toute conception, sous une direction habile, zélée, tout évangélique, s’ouvrent peu à peu, et un langage correct, la lecture, l’écriture, le calcul, finissent par leur devenir familiers.

Nous en avons assez dit pour montrer que la municipalité de New-York, qui sur bien des points oublie ses devoirs, ne les méconnaît pas au moins en ce qui regarde la charité publique et les obligations de la solidarité humaine. Dans une ville aussi populeuse, où la charité privée, stimulée par l’esprit d’association et de religion sans cesse en éveil et que rien ne limite, revêt tant de formes ingénieuses et s’exerce partout si largement et si spontanément, nous avons fait voir que la charité publique ne s’endormait pas non plus et tenait à honneur de lutter avec la première. Parce qu’on vit en self-government, ce n’est pas une raison pour que les municipalités ou l’état se croient dégagés de tout devoir d’humanité envers les citoyens. L’assistance officielle doit au contraire ajouter ses efforts à ceux de l’assistance individuelle, et même précéder et inspirer celle-ci. Ce n’est pas trop de cette double émulation, de ces deux forces réunies, pour combattre cette hydre à deux têtes, le vice et la misère, qui fait tant de ravages dans les grandes cités, et qui semble prendre comme un malin plaisir à devenir d’autant plus redoutable que l’on fait plus d’efforts pour la détruire. Plus les villes se peuplent et plus le paupérisme s’y répand, plus elles deviennent riches par l’industrie et le commerce, et plus le prolétariat y augmente. C’est le devoir le plus urgent des municipalités, surtout dans les pays démocratiques, d’apporter à ce mal social tous les remèdes indiqués par la philanthropie et par la science. Peut-être jugera-t-on que sur ce point la municipalité de New-York offre à ses sœurs européennes plus d’un exemple à imiter.


L. SIMONIN.