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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 janvier 1875.

Serait-il donc si difficile de voir simplement les choses, de faire honnêtement ce qu’on peut dans la mesure des circonstances et des souveraines nécessités publiques ? Quelle étrange passion pousse nos politiques à offrir obstinément ce spectacle si justement caractérisé l’autre jour par M. Laboulaye, le spectacle « d’un pays tranquille et de législateurs agités ? »

Oui, heureusement, le pays est tranquille et sage ; il assiste, sans se laisser irriter, à ces luttes dont son avenir peut être le prix, et s’est-on demandé quelquefois ce qui arriverait, ce qui serait arrivé déjà, si la France avait aussi peu de raison que ceux qui ont la prétention de parler pour elle et de la régenter ? Le pays en vérité n’est point exigeant, il ne réclame point l’impossible ; tout ce qu’il désire, tout ce qu’il a le droit d’attendre, c’est qu’on ne lui refuse pas ce qu’on peut lui donner immédiatement, les modestes institutions qui peuvent lui servir d’abri contre les orages. Il demande surtout qu’on laisse de côté les récriminations violentes, les tactiques plus ou moins habiles, les subterfuges de partis, et qu’on aille droit aux difficultés pressantes d’une situation livrée à toutes les incertitudes. On dirait malheureusement depuis longtemps que nos hommes publics mettent tout leur zèle à rendre de plus en plus sensible ce contraste de la tranquillité du pays et de leurs propres agitations. Ils semblent se complaire dans une atmosphère factice où ils ne distinguent plus les faits extérieurs, où ils vivent avec leurs chimères, leurs calculs et leurs préjugés, sans tenir compte des réalités les plus invincibles, sans se préoccuper de ce que le pays attend ou redoute. Ils se débattent stérilement dans leurs combinaisons artificielles, et à chaque tentative qui échoue ils n’ont d’autre ressource que de se lamenter, de s’écrier en gémissant : Que faire ? comment sortir de là ? Vraiment, c’est malheureux, on ne peut rien, les