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FLAMARANDE.

structions ! vous prendrez tout sur vous. Vous êtes plus habile, plus prévoyant, plus piailque que moi-même. Vous savez mes intentions, ma volonté inébranlable. Moi, j’ai une foi absolue en votre délicatesse. Vous ferez à l’enfant tout le bien possible dans la limite tracée, c’est-à-dire que ce Salcède sera peuple, élevé par le peuple, établi dans le peuple. Épargnez-lui la misère, le rachitisme, l’abaissement, mais non le travail ! Ne le gâtez pas, il deviendrait un bandit, car je compte ne lui donner jamais que le nécessaire. Allez, mon ami, débarrassez-moi de lui pour toujeurs et réclamez de ma gratitude tout ce que votre conscience vous autorisera à réclamer.

— Rien, monsieur le comte, oh ! rien, japiais pour cette affaire désolante ! Vous ne pouvez rien pour me soustraire au châtiment, si je suis découvert.

— Vous vous trompez ; je peux vous autoriser à produire la déclaration que vous m’avez fait signer, et qui nous justifie l’un et l’autre. Je vous y autorise d’avance en cas de malheur ; mais aucun malheur ne vous arrivera, et, j’en ai la certitude absolue, tout réussira !

— Vous ne pouvez pas l’avoir !..

— Je l’ai.

XXVIII.

Avait-il encore fait quelque épreuve, quelque incantation mystique, comme celle qu’il avait fait subir à Gaston le lendemain de sa naissance ? M. le comte ne doutait de rien, il était superstitieux. Moi, qui ne croyais point à mon étoile, j’étais un trop pauvre sire pour en avoir une, je partis fort inquiet pour Nice, où j’espérais rencontrer la nourrice de Gaston le jour du marché. Je l’y trouvai en effet et lui commandai de partir pour Paris le surlendemain ; moi, je m’y rendais à l’instant même ; j’allais, muni de ses instructions et de ses pouvoirs, lui chercher son fils à Saint-Germain, et je le lui amènerais à la diligence, où elle devait se trouver à l’heure et au jour dits avec Gaston. Ainsi s’accomplit l’échange des deux enfans, comme il avait été convenu. Je remis à la Niçoise la somme de vingt mille francs pour s’établir aux environs de Paris, ainsi qu’elle en avait l’intention. Je pris Gaston par la main, et, sans attendre que cette femme, partagée entre le chagrin de le quitter et la joie de retrouver son fils, eût pu l’informer de rien, je l’emmenai dans un fiacre.

Je pris grand soin de l’amuser, de le distraire et de le faire reposer pendant deux jours dans un domicile improvisé que je m’é-