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Foligno, en 1472, on imprima pour la première fois l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis ; mais c’est à un ami de Laurent, Cristoforo Landino, que revient l’honneur d’avoir donné l’édition fameuse de 1481. Landino accompagna le texte d’un précieux commentaire et offrit à la seigneurie ce magnifique livre, imprimé par Niccolò della Magna. En retour, la seigneurie fit présent à Landino d’une maison dans son pays natal, sanctionnant ainsi un travail qu’on lit encore avec fruit malgré les études sans nombre qui l’ont suivi. A l’égard du grand gibelin, elle s’efforça de réparer par des hommages publics l’ingratitude et les torts des Florentins de 1301 : le buste de Dante fut placé dans le Baptistère ; Ficin prononça une allocution latine[1] et Girolamo Benivieni récita des vers. Peu de temps après (1483), Domenico da Corella, de l’ordre des frères prêcheurs, était chargé d’expliquer une fois de plus à Santa Maria del Fiore l’œuvre dont Landino venait d’accroître la popularité.

Quoique passionné pour la langue italienne et pour les monumens de cette langue, Laurent ne négligea pas les écrivains de l’antiquité. Les érudits qui commentaient les ouvrages grecs et latins jouissaient de toute sa faveur. Au premier rang brillait Politien, philologue consommé qui, le premier, fixa les principes d’une saine critique à l’égard des textes. Laurent lui procura une chaire à Florence, le donna comme précepteur à son fils Pierre et l’aima toujours tendrement. Dans la villa des Médicis à Fiesole, Politien était pour ainsi dire chez lui. C’est là qu’il composa la plupart de ses poésies latines. Pour peu qu’on ait gravi la colline de Fiesole, d’où la vue s’égare avec ravissement sur les jardins en fleurs, sur les orangers, les figuiers et les oliviers, sur de vastes espaces légèrement ondulés, et sur le bleu des montagnes lointaines qui semblent servir de remparts à Florence, on comprendra sans peine que Politien ait dû à ce séjour d’heureuses inspirations.

Quant à la philosophie platonicienne, elle trouva en Laurent non-seulement un protecteur, mais un de ses plus fervens adeptes. Laurent prenait part aux séances de l’académie fondée par Côme, et y déployait un profond savoir, rehaussé par une élocution facile et brillante. On sait que Marsile Ficin était l’âme de cette académie. Sa traduction complète des œuvres de Platon et sa Théologie platonicienne sur l’immortalité de l’âme l’avaient mis à la tête des philosophes de son temps ; mais ce qui est moins connu et ce que met en lumière M. de Reumont, c’est le noble caractère de Marsile Ficin. Quoique en relations avec les hommes les plus distingués et les plus puissans de l’Italie et des pays étrangers, Ficin resta simple, sans prétention, content de peu. La faiblesse de sa complexion ne

  1. Il avait déjà traduit le traité de Dante sur la monarchie.