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durent entrer les estampes de Baccio Baldini, de Botticelli et des autres maîtres de la même époque. Les collections du palais de la Via Larga se composaient en effet des œuvres d’art les plus variées. Les livres, les manuscrits, y trouvaient place à côté des tableaux et des statues. Cependant, ce qu’on y admirait par-dessus tout, c’étaient les pierres gravées, les camées, les bronzes et les vases antiques. Quant aux jardins que Laurent possédait auprès du couvent de Saint-Marc, ils étaient peuplés de magnifiques marbres grecs et romains. Laurent ne cherchait pas dans ces trésors une jouissance égoïste ; il les mit libéralement à la disposition des artistes et fonda même, au milieu des chefs-d’œuvre du passé, une académie ou école de dessin dont il confia la direction à Bertoldo, élève de Donatello. Michel-Ange avait quinze ans lorsque, sur la recommandation de Ghirlandajo, son maître, le jardin des Médicis lui fut ouvert. Il y sculpta la tête de faune qui lui valut la protection spéciale de Laurent.

Laurent mérita donc, au moins en partie, le surnom de Magnifique ; mais sa munificence et sa libéralité furent payées cher par les Florentins. Aux sommes énormes que lui coûtèrent ses collections et les encouragemens donnés aux lettres et aux arts s’ajoutaient d’ailleurs les dépenses, plus considérables encore, que nécessitaient, sans les justifier, sa vie princière, l’établissement de ses enfans, la Consolidation de son pouvoir à Florence et de son influence au dehors. Il pouvait d’autant moins faire face à tous ces frais avec sa propre fortune qu’il laissa tomber ses affaires pécuniaires dans le plus triste état. Peu apte aux opérations de banque, il négligea les maisons qu’il avait à Rome, à Milan, à Lyon et à Bruges, et fut d’ailleurs mal secondé par ses représentans ; Après avoir usé d’expédiens passagers, il finit par trouver des ressources permanentes en rapport avec ses besoins. Le conseil des soixante-dix, institué par lui en 1480 et composé de ses créatures, nommait dans son propre sein une commission de douze membres, à laquelle étaient réservées toutes les questions de finances et qui était renouvelée de deux en deux mois. Laurent eut soin de ne laisser admettre dans cette commission que des hommes docilement soumis à ses Volontés. Les trésoriers et les percepteurs des impôts furent tous pris parmi ses créatures. Dès lors la fortune de l’état fut à sa disposition, et il s’en empara sans scrupule. Plus de 100,000 florins d’or, dit Giovanni Cambi, passèrent à Bruges, où la banque des Médicis était sur le point de faire faillite. Laurent eut du moins la prudence de restreindre ses affaires commerciales, sans toutefois les discontinuer, car il y trouvait un moyen d’assurer les combinaisons de sa politique. Antonio Miniati, directeur du mont (dette publique) et membre de la commission des finances, et Giovanni Guidi, notaire