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morsure du serpent, il fuira aussi, sans nul doute, les embûches du crocodile ; il périra donc par son chien, ce bon et fidèle animal qui l’avait amusé aux jours de son enfance, qui l’a suivi en Mésopotamie, et dont il n’a jamais voulu se séparer. Ainsi s’accomplira la prédiction des sept Hathors.

L’Épisode du Jardin des fleurs, tel est le titre donné par M. Chabas à un fragment d’une autre œuvre littéraire contemporaine des Ramsès. C’est sur un des papyrus du musée de Turin, publiés par MM. Pleyte et Rossi, que le savant et infatigable interprète des textes hiéroglyphiques et hiératiques de l’Égypte a découvert ce troisième petit poème en prose. Notre analyse reposera tout entière sur la traduction de M. Chabas. Toutefois la différence est grande entre les écrits précédens et celui-ci : la mythologie comparée n’a plus rien à revendiquer dans le domaine où nous entrons ; ce n’est ni d’une légende, ni d’un conte, ni d’une fable, ni d’un proverbe, qu’il s’agit, c’est d’un roman de mœurs nationales. Le héros, un prince allié à la famille royale, un haouti ou général d’armée, était peut-être un de ces rudes chefs de guerre revenus à Thèbes ou à Memphis enrichis du butin de Coush et du pillage des cités asiatiques. Les longues caravanes chargées de poudre d’or, de plumes d’autruche, de dents d’éléphant, d’armes rares et de vases précieux, étaient pour ces victorieux l’origine de rapides fortunes, d’une opulence fastueuse et magnifique. Il paraît bien que quelques-uns s’oubliaient, comme notre prince, à la poursuite des illusions d’amour et des molles rêveries voluptueuses. Il y avait certainement en Égypte, comme au pays de Chanaan, des femmes voilées assises aux carrefours des chemins ; mais ce qui convenait à un homme simple, à un patriarche hébreu, à Juda, lequel donnait un chevreau de son troupeau et laissait en gage son sceau et son bâton, eût paru trop agreste à un Égyptien de mœurs plus raffinées. Ce n’est pas que plus tard on n’ait rencontré dans les villes d’Israël comme dans celles de la vallée du Nil des charmeuses redoutables, aux grands yeux sombres et doux, des filles aux lèvres rouges de désir, attirantes et perfides comme les eaux profondes : « Étant à la fenêtre de ma maison, je regardais à travers mes jalousies, et je vis parmi les inconsidérés, je remarquai entre les fils un jeune homme sans raison. Il passait dans la rue près de l’angle où elle se tenait, et il prenait le chemin de sa demeure : c’était au crépuscule, au déclin du jour, quand la nuit est noire. Et voici, une femme vint au-devant de lui, parée comme une courtisane, le cœur décidé ; elle était bruyante et sans frein ; ses pieds ne se tenaient point dans sa maison ; tantôt dans la rue, tantôt sur les places, elle était aux aguets à chaque coin. Et elle le saisit et le baisa, et d’un air effronté lui dit : « Je