En hiver, il n’était pas rare de mettre de douze à quinze heures pour franchir une distance qui n’excède pas 6 kilomètres. Les choses ont changé depuis. Une chaussée passablement entretenue et bordée d’arbres de toute espèce, parmi lesquels le mûrier domine, court à travers une campagne d’une merveilleuse fertilité. De temps en temps, un champ désert où apparaissent quelques troncs noircis par le feu fait seul tache au milieu de cette végétation digne des tropiques. C’est la façon de défricher du pays.
Recht fait exception à l’usage qui veut en Perse que les villes et même les simples villages soient enfermés dans une enceinte de murailles. On y entre de plain-pied. Les chacals, qui pullulent aux alentours, en profitent pour venir chaque nuit rôder dans les rues et jusque dans les maisons. Leur voracité, qui s’attaque indistinctement à tout ce qui leur tombe sous la dent, en fait des visiteurs assez désagréables, sinon dangereux, surtout en hiver, où leur faim, aiguisée par de longs jeûnes, s’accommode au besoin, paraît-il, d’une paire de bottes à l’européenne.
Située dans la province la plus fertile du royaume, à une heure et demie seulement de Pirébazar, qui, nous l’avons vu, lui ouvre une communication par eau avec Enzeli et de là avec le Caucase, à six journées de caravane (en été) de Cazbin, un des principaux entrepôts des marchandises de la Perse, Recht a de bonne heure attiré l’attention par les avantages de sa position. Fondée, il y a trois siècles, par Abbas Ier, elle ne tarde pas à passer entre les mains de la Russie. Profitant des embarras intérieurs de la Perse, Pierre Ier s’y établit en 1722, et étend insensiblement sa domination sur tout le littoral de la Caspienne jusqu’à Àstérabad. Un traité conclu en 1723 ratifie même cette prise de possession. La Russie, en reportant momentanément vers l’Occident ses idées d’agrandissement, fidèle en cela au testament de Pierre Ier, devait laisser échapper bientôt cette conquête trop hâtive. Hecht retourna à la Perse. Sans atteindre jamais à la prospérité d’Ispahan, de Chiraz, de Cazbin et des diverses capitales du royaume, elle ne tarda pas à prendre rang à la tête des villes de second ordre. Au commencement du siècle, la population de Recht dépassait 60,000 âmes. La peste de 1831, qui lui enleva plus des deux tiers de ses habitans, lui porta un coup terrible dont elle se relève lentement. Actuellement elle compte de 5,000 à 6,000 maisons, réparties sur une étendue considérable; ses rues étroites et tortueuses paraissent relativement larges et presque propres à quiconque connaît les ruelles boueuses de l’Orient. Un pavé caillouteux, dont je n’ai apprécié qu’après coup l’utilité le jour où j’ai failli disparaître dans les rues marécageuses de Cazbin, les empêche de se changer en torrens pendant la saison des pluies. La