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plupart des maisons, — celles des riches au moins, — construites en briques, simplement liées par un peu de ciment, semblent attendre que la truelle du maçon vienne jeter sur leur nudité une chemise de plâtre. Quelques-unes ont deux étages, avec une suite de balcons en bois accrochés à chaque façade. Un petit capuchon de tuiles protège les cheminées contre les déluges de l’hiver. On verra que ce genre de constructions, inusité en Perse, est un luxe particulier à la capitale du Ghilan.

Recht est le centre d’un commerce important non-seulement avec le reste de la Perse, mais avec le Caucase. Chaque année, à l’époque de la récolte de la soie, son bazar est le rendez-vous d’une foule de négocians arméniens, russes et grecs, qui se disputent les produits des magnaneries. Une brochure que j’ai sous les yeux[1] évaluait en 1850 à 800,000 kilogrammes la quantité des soies écrues qui faisaient annuellement leur apparition sur le marché de Recht, et estimait que ce chiffre pouvait être doublé. Les statistiques étant chose inconnue chez les Persans, il est difficile de dire dans quelle mesure ces prévisions ont pu se réaliser. Une croyance populaire assez étrange fait remonter l’introduction du ver à soie en Perse aux temps bibliques. D’après cette légende, les vers seraient nés des plaies du patriarche Job, et par une faveur spéciale seraient depuis restés dans le Ghilan.

Une industrie pour laquelle Recht n’a pas de rivale, même dans les bazars de Turquie, et qui constitue une des branches les plus lucratives de son commerce, c’est la confection des tapis en mosaïque ou guldouzi. De petits morceaux de drap, de couleurs diverses, ingénieusement disposés et dont les coutures sont dissimulées sous des broderies, en forment le canevas. Une série de dessins en relief où le caprice de l’artiste se donne carrière, complète le travail. L’ensemble offre à l’œil un fouillis étincelant d’arabesques, de fleurs, d’oiseaux, d’animaux fantastiques. On fabrique de la sorte non-seulement des nappes, mais des portières, des housses pour les chevaux, etc. Quelques-unes de ces mosaïques atteignent une valeur de 1,000 francs et plus, prix relativement modique, si on songe à la somme de patience que réclame un pareil travail.

Ce n’est là qu’une faible partie des ressources du Ghilan. Nous avons signalé en passant les trésors inépuisables de la baie d’Enzeli. On aura une idée complète de ce que peut produire cet immense vivier, si j’ajoute qu’au bazar de Recht cinquante poissons de moyenne grandeur valent parfois à peine deux sous. Les ressources agricoles ne sont pas moindres. Le riz, qui est la base de

  1. Le Ghilan et les Marais caspiens, par M. A. Chodzko.