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Eh ! sans doute, rien n’est plus facile que de voir ce qui manque ou ce qu’il y a de trop dans ces lois qui viennent d’être votées; il est même permis de croire que, si on n’avait pas attendu jusqu’au dernier moment, si, en étant d’accord sur le principe d’une organisation nécessaire, on avait su s’élever au-dessus de toutes les petites considérations, de tous les détails vulgaires, on aurait pu arriver à des combinaisons qui auraient offert plus de garanties, plus d’avantages à toutes les opinions. Assurément, telles qu’elles sont, prises en elles-mêmes, toutes ces dispositions juxtaposées par un effort de bonne volonté et de conciliation sont quelquefois étranges, pleines de minuties ou d’inconnu.

On ne voit pas bien ce que pourra être ce sénat qui doit compter 300 membres, — les uns, au nombre de 75, nommés par l’assemblée nationale elle-même, les autres, au nombre de 225, élus par les conseils-généraux, les conseils, d’arrondissement et des délégués des conseils municipaux. L’assemblée, dans tous les cas, en se réservant une prérogative assez extraordinaire, a un moyen de fortifier l’institution nouvelle par la maturité de ses choix, par la supériorité et l’indépendance des hommes qu’elle appellera dans la première chambre en leur donnant l’inamovibilité. Les attributions mêmes de ce sénat ne laissent pas d’être assez vaguement définies. Le droit de dissolution exercé de concert par le président de la république et par le sénat à l’égard de l’assemblée populaire n’est pas sûrement sans inconvéniens, et on n’y aurait pas remédié en adoptant la plaisante proposition faite par M. Raudot de donner, par voie de réciprocité, à l’assemblée populaire et au chef du pouvoir exécutif le droit de dissoudre le sénat. Rien de plus simple, rien de plus conforme aux saines traditions d’un régime régulier, que de rendre au président de la république le droit de nommer les membres du conseil d’état, dont l’assemblée, par une susceptibilité jalouse, s’était réservé l’élection depuis 1872. Il est bien clair cependant que durant quelques années, jusqu’au complet renouvellement du conseil, il va y avoir quelque chose de bizarre dans l’inégalité de situation de tous ces conseillers, les uns, dépendant du gouvernement, qui pourra désormais les nommer, les autres, précédemment choisis par l’assemblée et révocables seulement par le sénat. Mieux aurait valu peut-être aller jusqu’au bout, effacer la trace de ces origines diverses en donnant au gouvernement un droit égal sur tous les conseillers d’état. Nous ne sommes plus au temps où la défiance à l’égard de tout gouvernement était une sorte de préjugé étroit de libéralisme. Les prérogatives qu’on donne aujourd’hui au pouvoir exécutif auraient pu certainement être étendues dans la sphère des intérêts extérieurs. Il faut songer que désormais tout ne peut pas être agité publiquement et livré sans distinction, sans mesure, aux passions un peu promptes d’une assemblée populaire. Peut-être aurait-on pu faire intervenir le