Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comités, son administration provinciale, ses agens de toute sorte, ses journaux, son budget ; il enlaçait par degrés le pays dans les replis d’une organisation qui arrivait à constituer un gouvernement à côté du gouvernement, un état dans l’état, de sorte qu’à la faveur du provisoire on aurait pu finir par se retrouver en plein empire, sauf à s’en apercevoir quand il eût été trop tard. Voilà la vérité, et ces révélations sont de nature à étendre les devoirs, mais aussi à simplifier la tâche d’un ministère qui trouvera certainement pour son œuvre l’appui des fractions de la gauche modérée aussi bien que des groupes de la droite qui ne sont pas complètement aveuglés. Qu’on y songe bien : la vraie solution aujourd’hui, c’est un gouvernement conciliant, libéral, mais exerçant le pouvoir avec résolution, ramenant tout le monde au respect des institutions établies et conduisant par degrés le pays pacifié, rassuré, au moment où il pourra lui-même librement compléter par des élections l’organisation constitutionnelle qui vient d’être votée. C’est là pour le moment notre situation.

M. de Bismarck, que les légitimistes de l’assemblée de Versailles ont fait intervenir plus que de raison dans le récent débat des lois constitutionnelles, M. de Bismarck est-il décidément malade comme on le dit depuis quelques jours? Est-il seulement malade d’un vote du parlement de Berlin qui lui aurait été désagréable, ou bien se ressent-il sérieusement à la fin de la tension permanente d’une existence si violemment agitée? Toujours lutter, toujours poursuivre des victoires, se mettre dans le cas de ne pouvoir souffrir une atteinte de crédit, une diminution de prestige, promener une diplomatie impatiente et ombrageuse un peu partout, en Espagne ou en Italie, en Autriche ou en Russie, passer des guerres politiques aux guerres religieuses ou aux jalouses rivalités d’influence, c’est assurément une condition qui pourrait user la plus vigoureuse organisation. Heureusement pour lui, le chancelier d’Allemagne est homme à savoir se servir de tout, même des intermittences de sa santé. Il a des maladies à la Sixte-Quint, et cette fois encore sans doute il en sera quitte pour aller se reposer à Varzin sans abandonner une scène où il figure avec quelque avantage. Découvrir une combinaison qui laisserait au chancelier une certaine direction supérieure en allégeant pour lui le poids des affaires, c’est là, à ce qu’il paraît, le problème que le monde officiel de Berlin voudrait résoudre, et ce n’est pas facile, d’autant plus que M. de Bismarck est de ceux qui ne consentent guère à partager le pouvoir, à jouer un rôle à demi. Toujours est-il que depuis douze ans c’est bien certainement lui qui a fait de l’histoire en Europe, et les événemens auxquels il a été mêlé, dont il a été le plus souvent l’audacieux instigateur, ne sont pas près d’épuiser l’attention ou la curiosité des hommes. Que de divulgations se sont déjà succédé, éclairant parfois d’une lumière inattendue des incidens qu’on