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croyait connaître, et tous les jours ce sont de nouveaux témoignages ou de nouveaux récits comme le journal A travers la Diplomatie de M. Hansen ou comme le petit livre de Passé et présent d’un personnage français qui se cache sous le nom de Memor. Ce sont les fragmens d’une histoire diplomatique du temps qui compte déjà bien des épisodes et qui aura peut-être encore plus d’un chapitre imprévu.

Bientôt le passé, ce passé d’hier que tout le monde peut interroger, n’aura plus rien d’inconnu, tant les secrets se divulguent vite. Le journal de M. Hansen a le mérite de rappeler avec autant d’intérêt que de sincérité cette affaire, la guerre du Danemark, qui a été l’origine et le principe de toutes les autres guerres, « l’allumette » destinée, selon le mot humoristique de lord Palmerston, à mettre le feu à l’Europe. Danois de naissance et toujours fidèle à son pays, diplomate volontaire au service de ses compatriotes du Slesvig, M. Hansen ne reprend pas le récit de tous ces événemens, il en parle simplement en homme qui s’est trouvé mêlé aux négociations les plus intimes, qui a vu les personnages de la politique à Paris comme à Berlin, et qui à un moment donné a pu recueillir une impression caractéristique, une parole décisive. C’est la vérité prise sur le fait, et, si ce n’est pas toute l’histoire, c’est ce qui aide le mieux à comprendre l’histoire. On se dit qu’en effet les choses ont dû se passer de cette manière, que M. de Bismarck a parlé ainsi, que la politique française a dû être telle qu’elle est représentée, flottante et irrésolue, l’empereur ayant une opinion, le ministre des affaires étrangères ayant une autre opinion. C’est le secret des événemens vus de près et en toute simplicité par un témoin impartial, à la fois pénétrant et sympathique pour la France. Memor est peut-être un diplomate moins modeste que M. Hansen sans être plus instructif. Il a de la prétention, il ne dit rien de particulièrement nouveau, et il ouvre une guerre de représaille pour le moment assez inutile contre M. de Bismarck, dont à la vérité il n’a point à se louer, non plus que la France. Si Memor, qui a eu son rôle à cette heure fatale de 1870, avait la mémoire plus sûre ou plus juste, il se souviendrait des fautes qu’il a pu commettre lui-même, et il n’insisterait pas tant sur les fautes d’autrui. Les vrais coupables de 1870, à son dire, ce ne sont pas les diplomates, les ministres, les chefs militaires, qui ont fait la guerre sans l’avoir préparée; ce sont les députés de l’opposition, les gens du 4 septembre, les agens prussiens qui ont aidé au 4 septembre, les journaux qui ont divulgué les plans de campagne. Voilà un empire bien habile, qui ne sait pas même se garder des agens prussiens et des indiscrétions de quelques journaux! Dans la guerre de la défense nationale, l’auteur de Passé et présent ne voit qu’une chose : « d’un côté la force et les bataillons, de l’autre la jactance et la révolte. » Cependant la guerre de la « jactance et de la révolte » a duré cinq mois, et la guerre d’un