Son livre intitulé Man’s place in nature[1], qui parut en 1863, fit sensation. Là se trouvait exposée avec un luxe remarquable de démonstrations, mais aussi avec une admirable clarté, la thèse d’anatomie comparée d’après laquelle il y a moins de différences anatomiques entre l’homme et les singes les plus élevés qu’entre ceux-ci et les plus bas placés sur l’échelle des quadrumanes.
Un trait essentiel de la caractéristique du professeur Huxley, c’est non-seulement qu’il compte parmi les savans de premier ordre, qu’il est aussi un propagandiste, un prédicateur de la science. Doué d’un talent particulier d’exposition et de démonstration populaire, il sait parler avec agrément et distinction des sujets les plus compliqués et des théories les plus abstraites de sa science de prédilection. En Angleterre, le genre des adresses, des conférences, des lectures, etc., est de plus en plus goûté, et grâce à cette complète liberté de parole qu’on nous refuse encore et d’une manière bien humiliante en France, il a pu répandre ses vues bien au-delà du cercle restreint des cours officiels. Un de ses petits chefs-d’œuvre en ce genre est intitulé A propos d’un morceau de craie (On a Piece of chalk) et fait partie de son livre de Lay Sermons (Sermons laïques), dont la cinquième édition a paru l’an dernier. C’est une série de conférences données en divers lieux, sur divers sujets, dont l’unité logique consiste dans la revendication du bon droit de la science indépendante à l’encontre des limitations qu’on voudrait lui imposer au nom des préjugés théologiques. Un certain nombre de ses discours roule sur la nécessité de donner dans l’instruction publique aux sciences naturelles une place beaucoup plus importante qu’on ne l’a fait jusqu’à présent en Angleterre. A son avis, on s’attarde beaucoup trop, dans l’éducation de la jeunesse anglaise, à piétiner dans cette discipline purement littéraire qui put suffire aux siècles passés, mais qui décidément ne répond plus aux besoins vitaux de la société contemporaine. Il est certain que, si nous devons juger d’après un de ses discours du manque total de préparation scientifique des jeunes gens qui abordent en Angleterre les études médicales, une réforme de ce genre serait très désirable, et qu’à cet égard nous sommes un peu mieux partagés en France. «Le monde moderne, dit M. Huxley, est hérissé d’artillerie, et nous envoyons nos enfans au combat sans autres armes que le bouclier et l’épée des anciens gladiateurs. » Il attend du changement qu’il réclame dans les programmes de l’instruction publique un développement heureux du sens de la réalité, trop peu cultivé par les études
- ↑ De la Place de l’homme dans la nature. Il en existe une traduction française par M. le Dr E. Daily, Paris 1873; Baillière et fils.