Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

purement littéraires, et dont le défaut contribue, dit-il, énormément à la persistance des erreurs, des préjugés et des sophismes qui égarent à chaque instant l’opinion.

Pour donner un spécimen de son genre comme « prédicateur laïque » des sciences naturelles, nous choisissons un fragment de l’étude intitulée On the physical Basis of life (sur la base physique de la vie ou le Protoplasme). Parmi les gens du monde, bien peu, dit-il, sont préparés à l’idée qu’il existe une sorte de matière commune à tous les êtres vivans sans exception, une unité physique et idéale qui relie leurs diversités sans nombre. Il faut même avouer qu’au premier abord une pareille assertion est choquante.

« Que peut-il y avoir de commun entre le lichen aux vives couleurs, qui ressemble de si près à une simple incrustation minérale du roc sur lequel il pousse, et le peintre qui en admire la beauté, ou le botaniste dont il enrichit les connaissances? Pensez au champignon microscopique, à cette particule ovoïde infinitésimale qui trouve assez d’espace et de durée pour se multiplier par millions dans le corps d’une mouche vivante, et passez de là à la profusion de feuillage, à l’opulence de fleurs et de fruits, qui séparent de cet avorton végétal le pin géant de Californie, dont les dimensions égalent celles d’une flèche de cathédrale, ou le figuier d’Inde qui couvre plusieurs acres de son ombre épaisse, et qui survit aux nations comme aux empires naissant et mourant à sa circonférence. Ou bien, vous tournant vers l’autre moitié du monde de la vie, représentez-vous la monstrueuse baleine, la plus énorme des bêtes qui vivent ou aient vécu, roulant avec aisance ses 90 pieds d’os, de muscles et d’huile, au travers de vagues où s’engloutirait corps et biens le plus fier des vaisseaux qui aient quitté nos chantiers, et rapprochez-la en pensée des animalcules invisibles, pures taches gélatineuses, dont une multitude danserait sur la pointe d’une aiguille aussi aisément en réalité que les anges de la scolastique en imagination. Avec de pareilles images devant les yeux de l’esprit, vous pouvez certainement vous demander quelle communauté de forme ou de structure il peut y avoir entre l’animalcule et la baleine, ou bien entre le champignon microscopique et le figuier d’Inde, à plus forte raison entre ces quatre êtres vivans. Si enfin nous regardons la substance ou la composition matérielle des êtres vivans, quel est le lien caché qui rattache la fleur qu’une jeune fille a posée dans ses cheveux au sang qui circule dans ses veines? Ou bien qu’y a-t-il de commun entre la masse dense et dure du chêne ou la solide carapace de la tortue, et ces larges disques de gelée transparente que l’on peut voir flotter à la surface, d’une mer tranquille, et qui ne laissent qu’une pellicule dans la main qui les enlève à leur élément? »