à longue laine, bien blanc et tout neuf, comme tout le reste de l’ameublement.
De la fenêtre, on dominait tout le paysage et tout le petit enclos. Je constatai encore qu’il n’y avait pour tout jardin que le sol vierge de la montagne avec ses ruisselets capricieux et sa magnifique végétation. Quelques sentiers sinueux, des pierres bien disposées pour franchir les petits cours d’eau, quelques arbustes étrangers à la contrée, mais plantés comme au hasard ou à titre d’essai ; pas un légume, pas de parc ménagé pour quelque bétail, pas une poule ; rien qui sentît le besoin de l’exploitation ou le souci de la vie matérielle. On s’était fait là un nid chaud et tranquille en plein désert et en pleine nature.
Je remarquai encore que, s’il y avait des troupeaux épars sur les hauteurs environnantes, ils étaient à une grande distance et ne descendaient plus comme autrefois dans cette partie du cirque de Mandaille, et je me rappelai que cette région n’était plus, depuis la révolution, une dépendance de la terre de Flamarande. C’était un communal aliéné apparemment à un particulier depuis que je n’étais venu au pays. Évidemment, la solitude avait été si bien établie que Mme la comtesse pouvait, sous un simple déguisement, venir là, y rester quelques jours et en repartir sans que personne en eût connaissance. J’avais fait quelque chose de plus difficile en amenant Gaston, à l’insu de tous, au manoir même de Flamarande.
J’en étais là de mes réflexions, lorsque j’entendis grincer une forte serrure au-dessous de moi. C’était l’unique porte de l’habitaion que l’on fermait. Entrait-on ou se disposait-on à sortir ? Je me hasardai à regarder par la fenêtre. Je vis Ambroise Yvoine, qui mettait la clé dans sa poche comme un homme qui va à la promenade. Il eût pu me voir en levant la tête. Je me retirai précipitamment et j’entendis, au claquement de ses sabots sur la roche, qu’il s’éloignait. Je pouvais maintenant le voir sans avancer la tête. Il marchait dans la direction de Flamarande, laissant sur sa gauche celle que j’avais prise pour pénétrer dans cette solitude. Il y avait donc par là une communication plus directe.
Évidemment j’étais prisonnier à l’insu d’Yvoine. Habitait-il cette maison ou venait-il seulement donner de l’air aux appartenons ? J’avais dû entrer sans qu’il me vît, j’avais dû me croiser avec lui sans le voir.
Étais-je enfermé là pour quelques heures seulement ? reviendrait-il le soir ou dans quelques jours ? Ma situation pouvait devenir inquiétante. Dans ce désert, il paraissait tout à fait inutile de crier et d’appeler, car la voix des bergers et les aboiemens des