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la lutte électorale, prévoyant la nécessité d’une concentration, avait depuis un an, sous prétexte de menaces de guerre de la part du Brésil, embauché et conservé à Buenos-Ayres un supplément de troupes et fait des achats d’armes à l’étranger, en un mot s’était entouré d’une apparence de forces sur lesquelles il n’osait guère compter. Le général Mitre de son côté et ses partisans s’étaient depuis longtemps assuré des forces sérieuses, et pouvaient compter sur les troupes dont disposaient les commandans des frontières, le général Rivas, les colonels Borges, Murga et Machado; avec eux lui étaient acquis aussi les Indiens soumis en rapports continuels avec eux, et dont les caciques, saisissant tous les prétextes d’invasions, sont toujours prêts à mettre leur dangereuse amitié au service des partis. Du côté des provinces éloignées, le général Arredondo, alors sans commandement, avait sous la main ses anciennes troupes, et il était de tous le plus hardi, comme le prouve son entrée en campagne, débutant par l’assassinat du général Ivanowsky et la prise des villes de San-Luis et de Cordova. Que pouvait-on espérer de la garde nationale? Mobilisée à la première nouvelle de l’insurrection, elle devait être composée de tous les citoyens sans distinction et par conséquent d’électeurs, et ce n’est peut-être pas sans raison qu’à Buenos-Ayres les mitristes voyaient dans sa mobilisation l’armement maladroit de leurs partisans.

Tels étaient les élémens qui de part et d’autre entrèrent inopinément en lutte le 24 septembre au milieu d’une paix apparente; cependant l’on put voir dès la première heure que les chances avaient tourné, et que la situation du gouvernement de fait, devenu tout à coup par suite de l’insurrection même le gouvernement légal, s’était par cela seul considérablement améliorée.


II.

Le 24 septembre n’avait pas été choisi par les insurgés comme le jour de la revanche du scrutin; mais le gouvernement, ayant en main la preuve des dispositions prises contre lui pour le 12 octobre, se préparait à enlever le lendemain les membres influens du parti mitriste : il ne restait à celui-ci qu’à entrer en lutte ouverte, et par son attitude menaçante en même temps que par une démonstration armée arrêter le coup d’état dont il allait être victime. Le 24, la ville de Buenos-Ayres se réveilla fort troublée; les journaux mitristes lançaient dans leur dernier numéro leur cri de guerre; leurs rédacteurs, suivant leur expression, quittaient la plume pour l’épée, et l’on apprenait que quelques groupes de partisans avaient ici et là enlevé quelques chevaux, tiré quelques coups de feu, occupé