Elle leur annonçait que le cabinet impérial, quand il aurait pris connaissance de leurs réponses et de leurs observations, se proposait soit de consigner les conclusions sur lesquelles on était unanime dans un acte destiné à faire l’objet d’un échange de déclarations entre les puissances, soit de leur soumettre un nouveau projet, soit enfin de réunir à Saint-Pétersbourg une seconde conférence « pour amener les opinions divergentes à un accord final, qui serait formulé dans un acte définitif. » Le 20 janvier, le comte Derby répondit à cette circulaire par une dépêche adressée à l’ambassadeur de la Grande-Bretagne à Saint-Pétersbourg. Il y déclinait la nouvelle invitation qui lui avait été transmise au nom du cabinet russe, et justifiait son refus par la conviction à laquelle il était arrivé qu’il n’y avait aucune possibilité d’entente sur les articles réellement importans du projet discuté et amendé à Bruxelles. Un examen scrupuleux de toute la matière lui avait démontré que son devoir était de repousser, au nom de la Grande-Bretagne et de ses alliés dans les guerres futures, tout projet tendant à altérer les principes du droit international en vigueur jusqu’ici et, par-dessus tout, de refuser sa participation a à tout arrangement qui aurait pour objet de faciliter les guerres d’agression et de paralyser la résistance patriotique d’un peuple envahi. »
Cette réponse et ce refus, qui ont fait quelque sensation en Europe, ont été commentés et censurés avec peu de bienveillance en Allemagne comme en Russie. Un écrivain du siècle dernier a dit : Non-seulement l’Angleterre, mais chaque Anglais est une île. Ce thème paraît beau à développer chaque fois que l’Angleterre fait quelque chose qui déplaît. Ceux qui désapprouvaient sa conduite dans la question de la conférence ont trouvé l’occasion bonne pour lui reprocher de nouveau avec emportement son égoïsme insulaire et traditionnel, les hauteurs et les brusqueries de sa politique, escarpées comme les falaises de ses rivages, ses préjugés et sa morgue à l’endroit de tout progrès qui ne profite pas à ses intérêts, l’indifférence qu’elle a coutume de témoigner pour toute entreprise d’humanité ou de civilisation dont elle n’a pas pris l’initiative. On rappela qu’elle avait toujours manifesté une extrême répugnance à laisser modifier les règles et les usages barbares qui ont prévalu jusqu’à ce jour dans la guerre navale; on l’accusa de s’opposer à l’adoption de coutumes plus humaines dans les guerres continentales, parce qu’elle appréhendait que tôt ou tard on n’essayât de les imposer à ses amiraux et à ses navires blindés. La presse anglaise, qui approuvait la conduite du foreign office, a relevé vivement ces accusations et ces injures. Elle insinua que la conférence de Bruxelles n’avait été qu’un piège, qu’on en voulait à l’Angleterre de l’avoir éventé, d’avoir traversé des projets insidieux qui, sous couleur de philanthropie, n’allaient à rien moins qu’à mettre les états pacifiques ou faibles à la discrétion des conquérans,