Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et à sanctionner d’avance tous les abus de la force. — On nous reproche, disait une revue anglaise, le peu de goût que nous avons pour les conférences, dont la vertu magique ne nous est pas démontrée. Que penserait-on si nous nous avisions d’en réunir une pour persuader aux grandes puissances militaires de réduire leurs armées, de supprimer le service universel et obligatoire qui fait de la paix une préparation permanente de la guerre? Cette conférence serait plus utile que l’autre. La Russie et la Prusse consentiraient-elles à s’y faire représenter?

Quoi qu’en aient pu dire certaines feuilles russes et allemandes, le cabinet anglais avait des raisons plausibles de douter que l’entreprise à laquelle on le conviait pût aboutir, et il est entré dans son refus d’y participer plus longtemps moins d’égoïsme que de clairvoyance. Ce qui s’est passé à Bruxelles n’autorise pas à espérer beaucoup de ce qui se passera à Saint-Pétersbourg. On peut craindre, en lisant les protocoles, que le problème recommandé par la Russie aux méditations de l’Europe ne soit un problème insoluble. Il est singulièrement difficile, sinon impossible, de légiférer sur la guerre, qui supprime ou suspend toutes les lois et fait retourner momentanément les sociétés à l’état de nature. Il est difficile d’imposer d’avance des limites aux exigences d’un vainqueur qui, en vertu des devoirs de son métier, se croit obligé de tirer de sa victoire tout le parti possible et d’employer tous les moyens qui la peuvent rendre plus efficace. Enfin il est malaisé de rassembler dans un congrès des philanthropes et des militaires, et de les amener par la puissance du raisonnement à de communes conclusions. Aux propositions que font les uns dans l’intérêt sacré de l’humanité, les autres répondent en alléguant les nécessités de la guerre; ils ajoutent que la seule manière d’en atténuer les rigueurs, c’est d’en abréger la durée, et que les guerres ne peuvent être courtes qu’à la condition d’être énergiques et terribles. La conférence de Bruxelles s’est trouvée partagée entre ces opinions contraires ; il ne faut pas s’étonner qu’elle ait échoué dans la tentative de concilier des vœux et des prétentions inconciliables. Aussi a-t-elle été condamnée tantôt à dissimuler ses perplexités sous des formules vagues et élastiques, tantôt à poser des principes que réduit à néant la multiplicité des exceptions prévues, quelquefois à rassembler dans le même article des dispositions qui semblent s’exclure.

Quand on a discuté le chapitre du projet intitulé des Moyens de nuire à l’ennemi, — la philanthropie demandait qu’on réprouvât non-seulement tous les moyens qui peuvent être rangés parmi les cruautés inutiles, mais encore tous les moyens déloyaux qui ressemblent à des trahisons. La conférence a tenu compte de ce désir; aux termes de son article 13, elle a notamment interdit le meurtre par trahison d’individus appartenant à l’armée ennemie, mais par l’article suivant elle a déclaré